A quoi peut-on identifier un dépassement de soi ou à un dépassement des limites logiques ? On peut le faire grâce à des moments de doute ou à des situations extrêmes qui active notre instinct de survie et nous permet d’utiliser toutes les capacités de notre corps ou de notre esprit. On peut le faire quand l’envie de vivre et de croire en ce qu’on aime est plus forte encore que la mort et qu’elle nous marque. Partant de cette idée, nous allons nous pencher sur un évènement qui mit véritablement à rude épreuve toute l’équipe du U-Boot U-977 de la Kriegsmarine.
Ce dernier a entrepris, en immersion totale au moment de la capitulation allemande en 1945 pendant 3 mois complets, une fuite et une désertion discrète et furtive du sommet de l’Atlantique Nord, de Norvège, jusqu’à son opposé, dans l’Atlantique Sud jusqu’en Argentine. Nous allons découvrir cette petite histoire unique qui fait aussi la grande, à l’image du U-1206 et sa chasse d’eau qui coûté la vie à son équipage..
Début mai 1945, capitulation de l’Allemagne Nazie
Pour mieux comprendre l’enjeu même de cette fuite vers une destination lointaine, faisons un point sur les évènements majeurs qui se produisent en Europe. Dans les dernières heures du Reich, du 2 au 9 mai, l’Allemagne tente tant bien que mal de combattre encore et encore malgré la fin inéluctable. L’Allemagne Nazie est défaite sur tous les fronts, sur toutes les zones de guerre et Berlin est à feu et à sang. Les Russes sont arrivés les premiers le 2 mai, les Américains plus tard mais peu importe, il est l’heure de se mettre à la table des négociations. Mais ce n’est plus tout à fait ce qu’on aurait pu penser, car beaucoup de dignitaires se sont suicidés (Goering, Himmler et Goebbels par exemple) ou d’autres de l’entourage d’Hitler ont fui (Hans Baur, pilote d’Hitler, Heinz Linge, le majordome d’Hitler ou encore Martin Bormann, le chef du NSDAP après mai).
Toutes les personnalités influentes et les parties prenantes pouvant jouer un rôle pour représenter l’Allemagne dans la capitulation sont parties et le pouvoir allemand n’est plus entre les mains du gouvernement, mais de l’armée désormais qui tient encore presque debout. Hitler quant à lui par sans remords ni regrets et s’est suicidé le 30 avril 1945 avec son épouse Eva Braun : l’Allemagne a été décapitée et toute la hiérarchie nazie s’effondre comme un château de cartes. Tous les masques tombent et chacun tente de survivre à son sort dans cette organisation nazie sur le point de s’arrêter où plus rien n’a d’intérêt.
Dans son testament politique d’une dizaine de pages, Hitler nomme le Großadmiral Karl Dönitz, alors commandant en chef de la marine du Reich, en tant que successeur du Führer et Président du Reich (à sa place). Il prend donc la tête du gouvernement mais il n’a plus de réel pouvoir, face au démembrement de l’Allemagne en plusieurs zones : il n’a plus d’armée, plus de légitimité à former quoi que ce soit. On notera aussi la présence d’une partie des généraux de la Wehrmacht, comme Jodl, Keitel ou von Friedeburg qui sont les seules autorités et les seules personnes compétentes afin de signer une capitulation totale et sans condition.
Je nomme à ma place le Großadmiral Dönitz comme Président de l’Empire, et commandant suprême des forces armées
Testament politique d’Adolf Hitler1
Les 3 étapes de la capitulation
Cette reddition et cette capitulation sans condition fut réalisée en plusieurs étapes, dont la plus marquante reste celle du 8 et 9 mai.
- 4 mai 1945, reddition des forces allemandes dans le nord-ouest de l’Allemagne
- 7 mai 2h41 du matin, Jodl, chef d’état-major allemand, signe la capitulation sans condition des forces allemandes (acte purement militaire)
- 8 mai 23h01 (Heure d’Europe Centrale) / 9 mai 1h01 (Heure de Moscou), Keitel signe l’acte de capitulation sans condition de l’Allemagne.
C’est donc une capitulation sans condition qui est actée, l’Allemagne se soumet à toutes les attentes et demandes de la part des Pays vainqueurs et signataires (France, Grande-Bretagne, Etats-Unis, URSS). Un nouveau chapitre s’ouvre pour l’Allemagne qui va devoir payer le prix fort de tous les crimes de guerre, les massacres, les déportations, les exécutions et l’endoctrinement qu’elle a engendré à l’échelle mondiale.
Une capitulation sans condition est un acte juridique, c’est une capitulation, un abandon d’un vaincu par rapport au vainqueur. Cela veut dire que le vainqueur n’offre aucune garantie quant au sort réservé au vaincu (sans condition décidée et de garanties), et fixe unilatéralement les modalités de sa reddition (par exemple, sans aucune compensation, économique, territoriale, politique ou autre).
Un pays en guerre comme l’Allemagne Nazie n’a jamais accepté une capitulation, mais elle fut réalisée car une telle issue n’est que réalisable lorsqu’il est totalement dans l’incapacité de poursuivre le combat.2 3
Mais cet acte est certes en vigueur, le monde ne s’arrête pas d’une seconde à l’autre de tourner. Certaines poches de résistance allemandes continuent mais n’ont aucune chance et la plupart des unités combattantes se rendent en hissant le drapeau blanc. Ils déposent les armes, sortent les mains sur la tête où d’autres se suicident pour éviter les goulags et les interrogatoires qui les attendent. On notera par contre dans les mers que les sous-marins allemands ont la possibilité de fuir discrètement ou d’échapper à leur sort.
Que se passe-t-il pour la Kriegsmarine et les sous-marins en service actif ?
L’Opération Regenbogen
Du côté de la Kriegsmarine, tous les navires ont reçu le même ordre, le dernier qui sera encore sous pavillon allemand. Cet ordre émane de Dönitz lui même, seul commandant de la Kriegsmarine capable de faire exécuter un tel ordre. Car à ce moment, Dönitz va prendre les reines du Reich et il tente tant bien que mal de sauver le reste d’honneur qui reste à la Kriegsmarine et de la Wehrmacht en général. Mais rien n’est possible concrètement, car les crimes de guerre ont été commis. Afin d’alléger les réparations et assurer une fin de guerre propice à la reconstruction et au nettoyage, Dönitz ordonne le sabordage et la destruction de tous les bâtiments et navires de la Kriegsmarine, hormis ceux destinés au déminage et à la pêche. C’est l’Opération « arc en ciel » ou Regenbogen.
À TOUS LES SOUS-MARINS. ATTENTION À TOUS LES SOUS-MARINS. CESSEZ LE FEU IMMÉDIATEMENT. CESSEZ TOUTE ACTION HOSTILE CONTRE LA NAVIGATION ALLIÉE.
Communication du 4 mai 1945 aux 64 U-Boots en service actif
DÖNITZ.
Chaque U-Boot en mer au moment de la capitulation reçoit les communications pour suivre en direct l’état du conflit qui est leur seul repaire et leur seule source d’information. Quand les ordres arrivèrent du commandant en chef aux marins, on a pu observer plusieurs réactions et plusieurs positions, comme l’incompréhension, la peur, le rejet de l’ordre ultime. Mais Dönitz veut apaiser et faire le moins de vagues possible pour faciliter cette fin de guerre et que les marins soient correctement traités à leur capture. Il invite également dans un dernier message à se rendre la tête haute et rejoindre un port avec honneur, fier d’avoir été « invaincu ».
Nos camarades des U-Boote!
Six années de guerre sous-marine sont derrière nous. Vous avez combattu comme des lions. Une supériorité matérielle écrasante de l’ennemi nous a contraints à nous replier dans une zone exiguë. Sous-mariniers ! Invaincus, sans reproches, vous déposez vos armes après un combat héroïque qui jamais n’eut d’égal. Nous nous souvenons avec un profond respect de nos camarades qui ont scellé de leur mort leur loyauté au Führer et à la Patrie.
Gardez, camarades, votre esprit de sous-mariniers, qui vous a permis de vous battre avec vaillance, obstination et compétence au long de toutes ces années, pour le bien de la patrie.
Vive l’Allemagne !
Votre Großadmiral
Laissés à leur propre sort
L’ordre de sabordage fut en grande partie mis à exécution et début mai 1945 222 sous-marins allemands sont sabordés par leurs équipages. Mais le 04 Mai, 5 jours seulement après, Dönitz est contraint par les alliés et se voit dans l’obligation d’annuler l’ordre, mais de nombreux commandants pensent que ce message est un faux et qu’il n’émane pas de la volonté profonde de leur commandant Dönitz.
Alors pour ceux qui suivent l’ordre, ils se voient contraints de hisser le drapeau blanc et se rendre au port le plus proche et non à leur port d’attache pour se rendre. Sur les 64 U-Boots en mer, 56 se rendront dans des ports Alliés ou neutres4 et 41 d’entre eux seront sabordés par l’opération Deadlight5 des Etats-Unis. Et évidemment, d’autres sous-marins n’ont pas suivi cet ordre, dont le U-977 que nous allons découvrir en détail.
On notera par exemple le U-858 qui est le premier sous-marin a se rendre aux forces américaines et accoste le 14 mai 1945 près de Fort Miles dans le Delaware. Tout doit se passer sans combat et les autorités restantes allemandes veulent éviter tout problème : c’est une nouvelle ère dans la manière de faire la guerre qui pour la première fois n’est pas tournée vers la haine et la destruction, ainsi qu’à l’idée du « Haltbefehl » (l’interdiction de tout recul).
Mais parmi ceux qui se rendent, d’autres, aussi en mer, décident de ne pas se rendre ni de se saborder. Ils sont en mer, la guerre est terminée et ils n’ont aucun endroit (Europe ou Etats Unis) où accoster sans se faire arrêter. Ils n’ont plus de commandement ni de mission, ils sont libres d’aller où ils veulent, si on regarde du côté des marins. C’est alors que l’un d’être eux, le U-977 décide de suivre cette voie là et de fuir en toute discrétion, quitte à devenir invisible.
Le U-977
Mais bien avant qu’il ne prenne la route vers l’autre bout du monde, le U-977 fut commandé en 1941, mis en calle, lancé et commandé en 1943 par la société Blohm & Voss à Hambourg. Il est de type VIIC, le type de sous-marin le plus le produit de l’histoire et de la Kriegsmarine. C’est un type d’attaque et le sous-marin est donc pleinement orienté pour les combats dans l’Atlantique Nord. Comme tous les autres sous-marins allemands, ils sont destinés à poursuivre la guerre, surtout en 1943 où l’effort et les bonnes nouvelles se font rares sur le front. L’U-977 va aussi y passer.
Il est mis à l’eau le 6 mai 1943 et est officiellement désormais à l’entrainement au sein de la 5ème Ausbildungsflottille (Flottille d’entrainement) / Unterseebootsflottille (qui accueillera durant toute la guerre plus de 335 sous-marins dans cette seule flottille) basée à Kiel, une des plus grandes bases allemandes. Le sous-marin fraîchement sorti de l’usine accueille un équipage d’une cinquantaine de marins, dont son commandant Kapitänleutnant Hans Leilich. Tout cet équipage va s’entraîner ensemble pour apprivoiser le fonctionnement du sous-marin jusqu’à qu’il ait bien pris en main tous les mécanismes.
C’est après 5 mois à s’entrainer, le 30 septembre 1943 que le U-977 est désormais intégré à l’école marine comme bateau école pour la formation des commandants de la 21ème Unterseebootsflottille basée à Pillau en Pologne. Il rejoint les 51 sous-marins qu’elle compose pour poursuivre l’entrainement et approfondir les fondamentaux des commandants car durant sa première patrouille, l’U-977 a été gravement endommagé au niveau de la coque épaisse lors d’une collision.
Le Schnorchel, le tube d’air révolutionnaire
De base, les sous-marins allemands de la guerre n’étaient pas des sous-marins océaniques d’eaux profondes. Malgré ce qu’on pourrait penser, les sous-marins étaient très peu en immersion si ce n’est pour des attaques ou disparaitre. Avec leur autonomie de 119 km environ en immersion, ils étaient la plupart du temps en surface qu’ils le veuillent ou non et représentait une vulnérabilité non négligeable. Leur coque, leur manière d’avoir été conçue a été très orientée sur l’apparence et la maniabilité d’un bateau classique.
Un sous-marin possède 2 moteurs :
- Les moteurs électriques servent à faire fonctionner le sous-marin quand il était en immersion. Plus les batteries électriques sont puissantes, plus il peut rester en immersion longtemps. Ce n’est pas le cas pour les sous-marins de Type VIIC qui possèdent que de petites batteries.
- Les moteurs Diesel sont utilisés pour faire fonctionner le U-boot lorsqu’il est en surface. Comme ils ont plus de réserves et des capacités plus grandes de réapprovisionnement des moteurs diesel, cela fait que les sous-marins préfèrent rester en surface.
Mais ils restent très vulnérables aux attaques aériennes, d’où le fait qu’ils furent en grande partie équipé d’un canon anti aérien Flak à l’avant et de défenses anti-aériennes à l’arrière.
Mais une nouveauté technologique a été créé répondant à la problématique. Cette nouveauté est rapidement installée, ce qui fait qu’en février 1945 le U-977 se fait doter d’un tube hissable aspirant l’air à l’immersion périscopique (niveau d’eau) nommé « Schnorchel ». Ce tube permet à un sous-marin de faire fonctionner ses moteurs Diesel, alimentant ces derniers en air sans avoir à faire surface, améliorant grandement la capacité d’immersion des sous-marins. Cependant, ce dispositif ne sera que mis sur approximativement 217 U-Boots sur les 1154 qu’avait la Kriegsmarine en totalité sur toute la période 1930-1945.6
Cet élément n’est pas anodin, car il est l’élément principal de ce pourquoi le U-977 a réussi son périple en immersion de 66 jours, alors que son type développé en 1936 n’était pas au départ équipé. Il a donc eu beaucoup de chances d’avoir le Schnorchel installé.
Premières patrouilles
Après avoir approfondi la théorie et la pratique pendant presque 2 ans, le 1 mars 1945, que l’U-977 retourne à Hambourg et intègre la 31ème Ausbildungsflottille / Unterseebootsflottille avec un nouveau commandant à son bord, l’Oberleutnant Heinz Schäffer7. Il intègre cette flotille pour cette fois réaliser des patrouilles, mais pas des patrouilles de guerre destiné au combat. L’U-977 rejoint 156 autres sous-marins en formation et réalise 2 patrouilles :
- Du 13 avril 1945 au 20 avril 1945 pour rallier Kiel (Allemagne) à Horten (Norvège)
- Du 29 avril 1945 au 30 avril 1945 pour rallier Horten (Norvège) à Kristiansand (Norvège)
30 avril 1945, à l’arrivée au port de Kristiansand….
Ils ne sont pas encore partis pour le front, mais le 30 avril 1945, jour où ils sont au port de Kristiansand en Norvège, Hitler s’est suicidé dans son bunker de la chancellerie du Reich à Berlin. C’est le premier domino de la chute totale de l’Allemagne Nazie.
Mais un deuxième évènement crucial va arriver le même jour justement, c’est l’ordre de sabordage de tous les navires allemands de l’Opération Regenbogen de Dönitz qui est énoncé à la radio pour tous les sous-marins. Nous sommes aux portes de la fin de la guerre et pourtant l’U-977 ne va pas respecter cet ordre, malgré que la capitulation ne soit pas encore signée officiellement et que les opérations se poursuivent.
2 mai 1945, première patrouille de guerre
L’U-977 repart du port de Kristiansand qui n’est pas encore libéré le 2 mai 1945 en enfreignant la règle de leur commandant en chef Dönitz. Il va entreprendre sa première patrouille de combat dans la Manche. Le 4 mai cet ordre est dissout comme nous l’avons vu et le 8 mai la capitulation sans condition est signée par les Alliés et l’Axe. De ce fait, toutes les flottilles sont dissoutes et cessent de fonctionner par l’arrêt des hostilités. Pour le cas du U-977, en mer depuis 6 jours à la signature, il n’est plus qu’un sous-marin sans attache :
- Plus de flottille et de groupe (ne font plus partie officiellement de la 31ème Unterseebootsflottille et de la Kriegsmarine)
- Plus de missions (car Hitler est mort et plus d’état-major de la marine et de la Wehrmacht)
- Plus de patrouilles (car plus de zones à défendre sous pavillon du Troisième Reich)
- Plus de « meutes de loups8 »
- Plus de ports d’attache et de ravitaillement (l’Allemagne nazie a capitulé)
Le U-977 se trouve durant toute cette période de fin dans les eaux norvégiennes et attendent de décider de leur suite. Ils se retrouvent seuls au monde, seuls face à eux-mêmes car ils sont en mer et personne ne viendra les chercher. Mais alors que faire, rester ou partir ?
10 mai 1945, rester ou partir ?
La question fut posée le 10 mai 1945. Le commandant du U-977 offrit 2 alternatives aux marins mariés qui le suivait, afin qu’ils n’aient pas à laisser femme et enfants derrière eux : partir pour un périple jusqu’en Argentine ou débarquer pour rejoindre la Norvège.
On dénombre 16 hommes, 1 tier de l’équipage, qui quitteront le navire dans un canot près de Holsenöy pour rejoindre les côtes. Ils se feront tous arrêter par les Britanniques à leur arrivée. Trente membres de l’équipage acceptent de poursuivre le voyage, tandis que deux choisissent d’être débarqués en Espagne. Les seize autres, ayant encore de la famille en Allemagne, débarquent de nuit près de Bergen, afin de regagner leur pays. Mais pour le reste de l’équipage, le périple jusqu’en Argentine peut démarrer et elle s’avérera extrêmement laborieuse moralement et physiquement pour les marins.
Périple jusqu’en Argentine
Et c’est donc ce 10 mai 1945 que l’équipage prend le large et entame son voyage jusqu’en Argentine. Ils n’ont plus à ce soucier de tuer ou se faire tuer car la guerre est terminée. Ils n’ont plus d’enjeu et ont pour seul objectif de naviguer jusqu’à leur objectif. Depuis leur premier entraînement, ils apprennent à tirer les torpilles, se défendre, plonger en catastrophe, le fonctionnement d’un U-Boot et les cibles à repérer. Sauf que cela ne leur sera plus d’aucune utilité.
Mais il y a une chose qu’il faut éviter pour le sous-marin, c’est se faire repérer et arrêter par les marines des pays vainqueurs sur leur chemin (Grande-Bretagne, France, Etats-Unis). Alors pour palier à cette problématique, depuis ce 10 mai 1945, l’U-977 a effectué toute la traversé de l’atlantique Nord jusqu’au Cap-Vert en immersion totale.
Le voyage en immersion durera 66 jours. 66 jours sans une seule fois voir la lumière du soleil, sortir la tête prendre l’air, confiné dans un espace à peine plus grand qu’une maison. Ce voyage fut particulièrement éprouvant pour l’équipage, dont plusieurs membres semblaient proches de la dépression nerveuse et de la crise de nerfs. Ils devenaient fous.
Nous sommes le 14 juillet 1945 quand l’U-977 refait surface pour la première fois depuis 2 mois. Ils sont alors aux environs de l’Afrique et une brève escale eut lieu aux îles du Cap-Vert, au milieu de leur trajet, permettant une courte pause baignade pour souffler de tout ce chemin parcouru, permettre de reprendre des forces car ici ils ne craignent pas d’être retrouvé. Car oui, le U-977 est encore identifiable comme s’il était en guerre sous le pavillon de la Kriegsmarine.
Du Cap-Vert jusqu’en Argentine….
L’U-977 poursuit sa route vers le sud cette fois-ci en surface avec un seul moteur diesel à sa disposition, l’autre dysfonctionnant. Le trajet n’est pas totalement pour se dissimuler ni préparer une attaque, il ne se passe pas grand chose à noter, mais le trajet est long et laborieux.
Alors qu’ils sont tout près d’arriver, le 10 Août 1945, un rapport radio signale l’arrivée d’un autre U-Boot, l’U-530 du commandant WERMUTH à Mar del Plata (Argentine) après 130 jours de mer, ce qui est un grand encouragement pour les hommes de l’U-977 à poursuivre leur traversée et à arriver à bon port.
Après avoir franchi l’équateur le 23 juillet, l’U-977 atteignit enfin Mar del Plata, en Argentine, le 17 août, après 108 jours passés en mer dont 66 jours en immersion totale, c’est la 2ème plus longue durée d’immersion pour un sous-marin, après les 68 jours du U-978. Un véritablement exploit pour un sous-marin de l’époque.
17 Août 1945, arrivée à Mar Del Plata, Argentine
A leur arrivée, ils sont immédiatement pris en charge par les autorités argentines et tout l’équipage est arrêté. Soupçonné d’avoir poursuivi les hostilités ou exfiltré des dignitaires nazis comme Hitler ou Bormann, l’équipage est remis aux Américains pour réaliser des interrogatoires. On dit que le commandant Schäffer a détruit des navires marchands alors que la capitulation était signée. Il émet alors qu’il n’a tiré aucune torpille et s’en sert comme preuve de sa bonne foi auprès des américains. La polémique enfle autour de possibles complicités internationales et comme sous-marin qui cacherait beaucoup de choses…
En fin de compte, rien de tout ça n’est vrai et aucune cargaison ou personnalité n’était à bord. Comme le U-530, c’est un cas isolé d’envie de liberté et de disparaitre après la guerre. L’U-977 est un sous-marin tout à fait normal, qui ne relève pas d’une importance historique majeure comme le pensait les américains. Il fut alors transféré à la base navale de Rio Santiago à Buenos Aires, puis deviendra propriété de l’US Navy.
L’U-977 quitte Rio Santiago le 11 septembre 1945, escorté par l’USS Cherokee, et arrive à New London, dans le Connecticut, le 12 octobre. Il est finalement coulé et détruit au large de Cape Cod le 13 novembre 1946, torpillé lors d’essais menés par le sous-marin américain USS Atule. C’est donc de cette façon que se termine le 2ème plus grand périple en immersion de la Kriegsmarine.
Conclusion
On retiendra de ce voyage que l’équipage a enfreint la règle de leur commandant en chef de se rendre aux autorités et qu’il a préféré partir pour espérer échapper aux évènements survenus en Europe, échapper à l’arrestation, la torture et la prison. On relève l’exploit des 66 jours en immersion et de l’équipage qui a survécu tout ce temps sans sortir du sous-marin. L’U-977 n’a certes détruit ou fait aucun dégât durant toute sa carrière, il faisait quand même partie intégrante de la guerre, du U-Bootwaffe9 et de la destruction de millions de tonnes de marchandises qui n’a fait que ralentir l’inévitable, pris dans un engrenage de haine et de pouvoir du Troisième Reich…
Notes infrapaginales
- https://excerpts.numilog.com/books/9782705666798.pdf ↩︎
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Reddition_(militaire) ↩︎
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Capitulation_sans_condition ↩︎
- https://uboat.net/fates/at-sea.htm. ↩︎
- Après la capitulation de l’Allemagne, l’Opération Deadlight était l’opération visant à démanteler de manière systématique, obligatoire et massive de tous les U Boots allemands qui se sont rendus aux Alliés. 154 U-Boots se sont rendus et 116 sont coulés ou sabordés en eau profonde au large de l’Irlande et de l’Ecosse entre fin 1945 et 1946. ↩︎
- https://uboat.net/technical/schnorchel_fitted.htm ↩︎
- https://uboat.net/men/commanders/1062.html ↩︎
- Les U-Boots appelés des « loups-gris », ont aussi une tactique militaire portant le nom de « Rudeltaktik » pour « tactique de meutes ». Cette tactique visait à créer des attaques de masse de plusieurs U-Boots sur un convoi ennemi. ↩︎
- Le terme « U-Bootwaffe » désigne toute la force sous-marine de la Kriegsmarine et son armement dans la guerre. Elle englobe tous les moyens sous-marins d’attaque, de défense et de ravitaillement. ↩︎
Sources
- https://uboat.net/fates/at-sea.htm
- https://uboat.net/fates/after-dl.htm
- https://excerpts.numilog.com/books/9782705666798.pdf
- https://uboat.net/boats/u530.htm
- https://uboat.net/boats/u977.htm
- https://uboat.net/books/item/2464
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Reddition_(militaire)
- https://uboat.net/flotillas/5flo2.htm
- http://www.u-boote.fr/u-977.htm
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Unterseeboot_977
- http://www.u-boote.fr/regenbogen.htm
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Capitulation_sans_condition
- http://www.u-boote.fr/u-977.htm#aaa
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