Parmi les nombreux mystères médiatiques encore irrésolu de l’époque de nos arrière-grands-parents, il y en a un qui a marqué tout le peuple allemand : la catastrophe du LZ 129 Hindenburg de mai 1937. Véritable symbole de modernité et de réussite dans le domaine industrielle, technologique et aéronautique, ce dirigeable, le plus grand alors jamais construit, fit placer l’Allemagne sur la carte du monde et s’est forgé une réputation également aux Etats-Unis.
Conçu au départ comme un dirigeable de tourisme puis de propagande de la compagnie Luftschiffbau Zeppelin, le Hindenburg a été utilisé pour les premiers vols transatlantiques du 20ème siècle. Mais un beau jour de mai 1937, ce dernier explosa et s’écroula au sol, tuant au passage 35 personnes dans un gigantesque incendie dans le New Jersey. Comment cela a-t-il pu arriver ? Comment un tel évènement a pu réduire à néant plusieurs années de propagande et de savoir-faire allemand ? Nous allons découvrir son histoire dans cet article, de la planche à dessins jusque dans les airs.
La technologie et les dirigeables de la société Zeppelin
Pour comprendre la prouesse d’ingénierie qu’est le LZ 129 Hindenburg, revenons en arrière, précisément en 1908. Cette année, une société allemande voit le jour sous le nom de Luftschiffbau Zeppelin, ou « construction de dirigeables Zeppelin ». C’est un domaine très particulier pour l’époque et très récent, encore peu fiable ; cela fait seulement 5 ans que les frères Wilbur et Orville Wright ont volé pour la première fois de l’Histoire, en 1903, dans leur biplan « Flyer 1 », à tour de rôle sur une dizaine de mètres.

Mais cette société là, fondée par le comte Ferdinand von Zeppelin, est précurseur dans un domaine bien précis de cette nouvelle « technologie » ; la conception et la fabrication de dirigeables rigides. Ce domaine est porteur dès l’époque et il est un dérivé de l’aviation normale, car le dirigeable offre différents avantages. En l’occurrence, nous pouvons citer qu’il est totalement manœuvrable, capable de naviguer indépendamment des vents.
Il pouvait aussi monter ou descendre à volonté, offrant un contrôle complet sur sa trajectoire et sa direction, il utilisait justement les courants aériens pour se déplacer tout en consommant très peu d’énergie. Etant plus léger que l’air, le dirigeable s’élevait sans brûler de carburant lourd comme le kérosène qui pouvait coûter cher à emmener et à utiliser. Mais pas seulement, il était aussi conçu pour transporter des charges lourdes sur des distances relativement courtes (entre 300 et 500 km), il était idéal pour des trajets dans des zones où les infrastructures au sol étaient insuffisantes ou inexistantes. Le dirigeable ne se soucie pas des routes, des dangers marins ou tout autre souci de terrain.
Les dirigeables comme moyen de déplacement touristique
Les avantages sont aussi touristiques, car leur utilisation peut être déclinée selon les besoins de son propriétaire. Dans le cadre de l’entreprise Luftschiffbau Zeppelin, ils se basent sur cette utilisation civile, puis se baseront aussi sur une utilisation militaire pour des missions de reconnaissance et de bombardement. On peut noter par exemple le LZ 127 Graf Zeppelin comme l’un des dirigeables les plus célèbres de la firme.
Ce dirigeable, le plus grand jamais construit à son époque, a effectué 590 vols au cours de son exploitation, dont un tour du monde en 1929. Il a parcouru plus d’un million et demi de kilomètres, réalisé 143 traversées de l’Atlantique et une du Pacifique, transportant au total 13 110 passagers. Il fut une excellente publicité pour la société et a créé une solide popularité parmi les concurrents et les enthousiastes.

1931, le projet LZ 129 Hindenburg
Le Graf Zeppelin en service, la compagnie fit lancer le développement de leur plus grand projet, le LZ 129 Hindenburg. Ce projet fut largement financé et soutenu par Hitler, alors au pouvoir depuis 1933. Construit depuis 1931 à l’usine Zeppelin de Friedrichshafen, le dirigeable a été achevé en 1936. Hitler et son gouvernement voyaient dans le Zeppelin en particulier un symbole de la puissance industrielle du pays. Forcément, il se devait de casser tous les codes.
C’est pourquoi ce fut le plus grand dirigeable jamais construit, mesurant 245 mètres de long, soit 10 mètres de plus que son prédécesseur. Il pèse 118 tonnes à vide et 248 tonnes lorsqu’il est chargé. La partie la plus importante, « l’enveloppe » externe, était faite d’un mélange de coton et de lin, couvrant 34 000 m². Cette enveloppe est enduite d’une préparation à base de cellulose pour la rendre plus lisse et résistante aux intempéries.
Conception du LZ 129 Hindenburg
De la poudre d’aluminium est ajoutée à la peinture pour protéger les ballonnets de la surchauffe, tandis que l’oxyde de fer dans la partie supérieure les préserve des rayons UV qui pourraient les endommager. Il possédait un moteur puissant 4 V-16 diesel Daimler-Benz DB 602 de 900 à 1200ch de 88 000 l et pouvait atteindre une vitesse moyenne de 85km/h jusqu’à parfois 135km/h. 50 à 70 personnes pouvant séjourner dans le dirigeable. Il portait le nom de Paul von Hindenburg, héros de la Première Guerre Mondiale et dernier rempart à l’époque d’Hitler, décédé d’un cancer du poumon en 1934 ; on retrouve un buste à l’entrée des passagers.


Sa taille est déjà impressionnante, mais c’est aussi un chef d’œuvre technologique pour l’époque. Construit principalement en aluminium, le Hindenburg était équipé de 16 cellules remplies d’hydrogène pour voler. Au niveau du gaz dans le dirigeable cela a été plus compliqué. Bien que l’hélium, un gaz plus sûr, était produit aux États-Unis, les relations tendues entre les deux pays ont empêché l’Allemagne d’en obtenir, forçant l’utilisation de l’hydrogène en plus de sa meilleure portance, son bas prix et sa disponibilité en quantité. Il est tout de même hautement inflammable par rapport à un autre gaz.
4 mars 1936, premier vol du LZ 129 Hindenburg
Le « Titanic des airs » pris son envol timide mais sans encombre pour la première fois le 4 mars 1936, durant plus de 3 heures, pour rallier Friedrichshafen, la ville où se trouve la maison mère de la société Luftschiffbau Zeppelin et Rio de Janeiro. 2 fois plus rapide que par bateau, le Zeppelin attire énormément de passagers, souligne un média américain. Devant cette belle réussite, d’autres tests sont faits plus tard, dès le 6 mars. Un excès de ballast provoque un atterrissage brutal, endommageant la cabine de pilotage.
Le 23 mars, des journalistes embarquent pour la première fois en vue d’un vol de propagande organisé par Goebbels pour la propagande du parti. Le 26 mars, un peu plus tard, malgré des vents trop forts, le capitaine Lehmann du dirigeable insiste pour décoller, et la poupe du dirigeable percute le sol, endommageant l’empennage. Mais le dirigeable vole tout de même et entre en service bien le 23 mars 1936.
Le dirigeable est conçu principalement pour des vols transatlantiques. Le Hindenburg pouvait transporter des passagers et du fret à une vitesse d’environ 125 km/h. En dessous de cette enveloppe externe immense, l’espace réservé aux passagers se trouvait au centre du dirigeable et comprenait deux ponts superposés. L’accès à ces ponts se faisait depuis le sol par une petite passerelle relevable située à la base du LZ 129 Hindenburg. Il offrait un confort inégalé pour l’époque, avec des cabines privées, un restaurant de luxe, et même un fumoir à bord. L’intérieur est au goût des années 1930.

Numéro : 518856
Le dirigeable au service de la propagande
Si on revient maintenant quelques mois en arrière, en mars 1936, après l’occupation allemande de la Rhénanie par les soldats d’Hitler, ce dernier organise un peu plus tard une élection et un référendum le 29 mars pour légitimer cette action. Pendant quatre jours, le « LZ 129 Hindenburg » et le « Graf Zeppelin » survolent ensemble les défilés militaires, larguant des tracts, diffusant de la musique et des discours grâce à un studio de radio installé à bord. Il fait la fierté du gouvernement allemand.
En dehors des missions de propagande à l’intérieur du Reich et des voyages en Amérique du sud, le Hindenburg assure depuis le 6 mai 1936 les liaisons Friedrichshafen – New York. Le voyage durait 60 heures : une révolution pour l’époque et coutait environ 1.000 marks (6.000 euros) pour un aller uniquement. Il n’est pas moins populaire et est un immense gain médiatique pour l’Allemagne ; le dirigeable est novateur et est impressionnant par sa taille et son ingénierie. Cependant, c’est durant son 63ème vol et après 337 000 kilomètres sans accident en transport transatlantique de passagers que tout va basculer.

6 mai 1937, Catastrophe à Lakehurst dans le New Jersey
Nous sommes le 6 mai 1937. Tout le 63ème vol s’est bien passé et le Hindenburg effectue avec du retard à cause d’un orange, un amarrage sur la base arrière de la ville de Lakehurst dans le New Jersey, aux Etats Unis. Il est quasiment complet avec environ 100 passagers et vient clôturer sa toute première traversée complète de l’année. A son arrivée, des marins et des ouvriers sont sur le coup pour amarrer ce monstre des airs.
Durant cette manœuvre, la poupe du dirigeable s’enflamme et s’effondre par l’arrière sur le sol en seulement 34 secondes ; libérant tout le dihydrogène et l’hélium qui se trouvait à l’intérieur et détruisit les moteurs diesel, qui eux aussi alimentèrent le brasier, détruisant tout ce que possédait le dirigeable. L’ensemble de l’aéronef s’écrasa contre le sol emmenant avec lui une partie des passagers vers une mort soit par explosion ou par écrasement. Cet incident a causé 35 morts et de multiples blessures graves aux survivants, que cela soit des membres d’équipage, des passagers ou des membres du personnel. C’est un désastre sans nom.

Il ne reste plus rien du plus grand dirigeable jamais construit et la fierté du Troisième Reich est anéanti par cette occasion. Une chose est problématique ; personne ne connait la cause de cette catastrophe et de ce qui aurait pu causer cette explosion.
Découvrir les origines de ce désastre
Goering apprit la nouvelle et ordonna une commission d’enquête pour trouver l’origine. Il ne reste plus rien du plus grand dirigeable jamais construit et la fierté du Troisième Reich est anéantie. Une chose est problématique : personne ne connaît la cause de cette catastrophe ni ce qui aurait pu provoquer l’explosion. Göring, informé, ordonne immédiatement la création d’une commission d’enquête.

Aucune preuve formelle
Aux États-Unis également, lieu du désastre, une autre enquête est menée et son rapport, publié le 21 juillet 1937, suggère qu’une décharge électrique pourrait être responsable, bien que cette hypothèse ne soit pas prouvée. Le rapport allemand en revanche est plus prudent et évoque également cette possibilité, soulignant que la décharge pourrait s’être produite entre le dirigeable et un câble d’amarrage mouillé. Mais rien n’est sûr ; la cause exacte de l’accident demeure incertaine et compliquée à établir. Le rapport allemand présente plusieurs scénarios : une fuite de dihydrogène dans l’enveloppe arrière du dirigeable, suivie de son inflammation, soit par une décharge électrostatique, soit par une différence de potentiel entre l’enveloppe et la structure qui aurait pu causer cet embrasement.
A sa conception, la dangerosité du gaz choisi a été évoquée et pourtant utilisée en finalité pour tout l’utilisation du dirigeable. Cet évènement est le tout premier accident de dirigeable depuis la Première Guerre Mondiale et n’est pas resté inaperçu pour la presse mondiale : la propagande n’a pas pu le cacher. Depuis l’existence des dirigeable rigides, un amarrage ou un atterrissage a toujours beaucoup attiré les civils qui le croisait. En particulier ici, il s’agit du plus grand jamais construit et l’accident a été filmé par plusieurs compagnies d’actualités, comme Pathé, Paramount et Universal qui étaient là au départ pour simplement documenter le dirigeable et se retrouvèrent devant cette catastrophe.
Les images de la catastrophe ont été diffusées dans le monde entier et publiées massivement, ruinant ainsi la réputation des dirigeables utilisés pour le transport qui perdirent de leur luxure. A ce jour, on ne sait pas de manière claire quelle a été la cause de cet incident tragique.

Renouer avec le succès : LZ 130 Graf Zeppelin II
En parallèle, un autre dirigeable a été produit devant le succès du Hindenburg : le LZ 130 Graf Zeppelin II. Pratiquement identique en tout point que le LZ 129, il fit le dernier des dirigeables rigides produits par la société Zeppelin Luftschiffbau et n’a effectué que 30 vols en 11 mois, cette fois-ci uniquement à vide, sans passagers ni membre d’équipage. Il prit son envol le 14 septembre 1938. Sans utilité commerciale, ce dernier n’était qu’utilisé pour la propagande avec parfois du personnel pour de la surveillance pour le compte du Ministère du Reich à son bord. L’utilisation militaire fut donc son activité principale, dans les heures de préparation à une future possible guerre qui se faisait sentir en Allemagne.
Par le souvenir de cet incident imprévu du LZ 129 Hindenburg, le LZ 130 Hindenburg bouleversa totalement la vision de la population vis-à-vis de l’utilisation des dirigeables comme moyen de transport. Cet incident a aussi eu un impact médiatique, montrant une scène de désolation provenant d’Allemagne sur le territoire américain. Au lieu de représenter la grandeur technologie et aéronautique du régime nazi, l’accident a mis en lumière une vulnérabilité inattendue et imprévue. Cela a entaché la confiance en la technologie allemande et affaibli les efforts de propagande qui utilisaient le Hindenburg comme un outil de prestige international, à son avantage. Quant aux raisons de ce désastre, rien n’est formellement établi…
En cette année 1938, Hitler a d’autres projets d’envergure qu’il souhaite réaliser en Europe et la page du Hindenburg va vite se tourner.
Sources
- SDEC Energie. « Dirigeable » La Maison de L’Energie, https://www.maisondelenergie.fr/sites/maisondelenergie.fr/files/dirigeable.pdf
- Alexandre. « 1937: Crash du LZ 129 “Hindenburg”, le cauchemar de l’hydrogène ». Découvrez la Greentech, 7 avril 2021, https://www.discoverthegreentech.com/crash-hindenburg-1937/.
- BMC. « Le Hindenburg LZ 129 ». www.passionmilitaria.com, https://www.passionmilitaria.com/t40478-le-hindenburg-lz-129.
- « LZ 129 Hindenburg », Wikipedia, https://en.wikipedia.org/w/index.php?title=LZ_129_Hindenburg&oldid=1250482760.
- Grégoire Fleurot. « Le mystère du crash du zeppelin Hindenburg résolu, 76 ans après », Slate, https://www.slate.fr/lien/69017/crash-zeppelin-hindenburg
- « Ferdinand von Zeppelin », Wikipedia, https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Ferdinand_von_Zeppelin&oldid=219022061.
- Historical Photos: The Hindenburg Disaster. https://www.app.com/picture-gallery/insider/extras/2014/04/20/historical-photos-the-hindenburg-disaster/7932125/.
- « Hindenburg Disaster », Wikipedia, https://en.wikipedia.org/w/index.php?title=Hindenburg_disaster&oldid=1248608463.
- « LZ 130 Graf Zeppelin », Wikipedia, https://en.wikipedia.org/w/index.php?title=LZ_130_Graf_Zeppelin&oldid=1245334696.
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