Avez-vous déjà pensé à quoi aurait ressemblé l’Allemagne si elle avait gagné la Seconde Guerre Mondiale ?
Cette question pose beaucoup d’interrogations et met en lumière les fantasmes les plus fous et les idées les plus folles. Aujourd’hui, je vous propose de nous pencher sur une ville en particulier et de corréler plusieurs visions qui montrerait à quoi ressemblerait Berlin, ainsi que l’Europe sous le régime nazi. Je me suis basé sur les interprétations réelles d’Hitler ainsi que des interprétations plausibles tirées des maquettes, livres, films et de séries. Car oui, Hitler croyait dur comme fer que l’Allemagne gagnerait comme si ce n’était qu’une question de temps et que tout était déjà écrit.
Accompagné de son architecte favori qui est aussi son inspecteur général des bâtiments de la capitale du Reich Albert Speer, Hitler a conçu à quoi ressemblerait Berlin dans les moindres détails dans le futur victorieux de l’Allemagne dans la « Welthauptstadt Germania ». Cela passe par la réalisation des bâtiments gouvernementaux ou bien les appartements, musées, magasins et écoles et lieux de travail jusqu’aux sculptures et mémoriaux. Nous allons voir en détail dans cet article les différents bâtiments majeurs et analyser en quoi ils sont importants pour comprendre le nazisme.
Introduction à l’art selon le national-socialisme et ses inspirations
Le nom est déjà très évocateur : Berlin aurait été renommé « Welthauptstadt Germania » ou « capitale du monde Germania ». La ville aurait été le centre de tout, le centre du national-socialisme et l’expression « toutes les routes mènent à Germania » aurait pris son sens. Germania devait être plus grande et plus flamboyante que n’importe quelle autre ville de l’histoire et marquer son époque, celle de la domination de l’idéologie national-socialiste. La ville avait été pensée dans les moindres détails avec des infrastructures, des bâtiments et de grands boulevards de parade pour imposer le national-socialisme comme la nouvelle grande page de l’histoire des empires du monde.
Il est à noter que les œuvres qu’Hitler proposait n’était qu’empreint d’une profonde jalousie des grandes villes qui l’entourait dans les pays voisins. Il a principalement été inspiré de Paris et de Rome, qui sont des éléments majeurs de la culture mondiale pour créer sa propre ville qui éclipserait ces villes pour affirmer la puissance allemande. C’est donc dans l’idée de devenir incontournable qu’Hitler s’est lancé dans la réalisation de ce projet.
Se pensant être un homme cultivé, Hitler a passé énormément de temps à réfléchir à plus grand, plus impressionnant et digne de son Reich de Mille ans jusqu’à son suicide avec Eva Braun dans le bunker de la chancellerie le 30 avril 1945. Il n’a jamais cessé de rêver, de créer et de demander de demander la réalisation de projets plus extravagants les uns que les autres.
Construire et aménager pour servir son idéologie
L’idée derrière cette volonté de faire mieux n’est pas anodine ; elle revêt d’un point central dans les Etats Totalitaires en général et dans la perception que la population porte sur leurs leaders. Les leaders totalitaires ont besoin d’affirmer leur pouvoir pour ne pas éveiller de potentiels groupuscules ennemis et en dissuader des plus puissants, jusqu’à imposer sa vision et intimider les adversaires politiques. Cela passe aussi par les bâtiments de son pays.
Il est bon à noter par exemple la Corée du Nord et sa capitale Pyongyang est un symbole devant les habitants et le monde que tout est rangé, en ordre, grand, fort, résistant ; immuable et intemporel en Corée du Nord. Cette impression de grandeur est ponctuée comme si cela a toujours été là ou pour illustrer la passion et la force du peuple qui l’a bâtit. Par sa forme et son style, on peut comprendre que la précision et la volonté d’impressionner, d’ébahir, de faire ressentir au spectateur le sentiment qu’il est tout petit à côté de ce qu’a réalisé les hommes du pays. C’est une propagande affichée durablement, montrant également la richesse et les talents architecturaux du pays.
Cette modification du paysage du pays par des œuvres purement idéologiques (tableaux, bâtiments, sculptures) servent à introduire directement tous les aspects de la vie publique et a imprégner le pays des valeurs de stabilité et des valeurs qu’elle prône.
A l’image de l’Empire Romain de l’époque et ses 4,4 millions de km² de superficie totale à sa taille maximale, Hitler avait comme objectif de laisser une trace indélébile du national-socialisme et de l’Allemagne dans les mémoires. Les principales causes et qu’Hitler voulait mener à bien la lutte contre le bolchevisme et offrir à la race aryenne, la race prétendue supérieure, un espace vital adéquat pour survivre et par cette occasion, montrer au monde le dur labeur et le combat héroïque et fort que mène les soldats allemands.
Le développement de la présence de l’art nazi
Sa représentation commence également avant la guerre et se prolonge au fur et à mesure des années, car les nationaux-socialistes trouvaient qu’il manquait des monuments dédié à leur fierté et à leur réussite passée. Il fallait développer l’idéal allemand et son imaginaire nordique. En tête de liste, le sculpteur Arno Breker qui a tapé dans l’œil du parti et d’Hitler personnellement, a réalisé de nombreuses œuvres et sculptures mettant en avant le national-socialisme sur les bâtiments gouvernementaux comme Rome l’avait fait sur les temples par exemple.
L’une des œuvres les plus célèbres est « Le Garde », une sculpture en plâtre de 40 tonnes en bas-relief d’influence classique hellénique, qui a orné la chancellerie du Reich, était l’une des premières commandes d’Hitler pour décorer la nouvelle capitale Germania, que l’on va explorer en détail après.
L’idée est toujours la même, elle puise son inspiration dans les sculptures antiques grecques et romaines qui ont perdurées a travers les siècles, comme en témoignent le drapé de la cape, le bouclier rond et l’épée, signe d’un grand combat et d’une volonté de fer de combattre. Les sculptures d’Arno Breker, exposées un peu partout en Allemagne, ainsi que les œuvres en général incarnent l’idéal du jeune Allemand parfait, l’Aryen, symbole de l’homme nouveau exalté par le totalitarisme nazi et l’Ordre Nouveau qu’il défend.
Les codes de réalisation de l’époque sont repris, comme le classicisme : l’ordre, des lignes droites et parfaites, courbes propres et harmonieuses, cassant totalement le style Baroque de l’époque qui est son contraire : divaguant, plus libre et excentrique dans la représentation, synonyme d’instabilité.
Cette architecture se manifeste dans des bâtiments comme la Nouvelle Chancellerie qui est un exemple type, ou bien la Tribune Zeppelin qui affirme encore une homogénéité dans la volonté de retrouver un passé glorieux et héroïque. Mais cette fierté et cette volonté de montrer se manifeste aussi dans des évènements plus globaux, mettant l’art imprégné du nazisme et de la propagande aux yeux du monde, comme par exemple à l’exposition universelle de 1936 qui se déroule à Paris.
Le pavillon allemand à l’exposition universelle de 1936
Cette représentation a déjà pu être trouvée et gravée dans le marbre avec le pavillon allemand à l’exposition universelle de 1936 à Paris, mettant en scène l’une des premières représentation du national-socialisme en dehors des frontières allemandes.
Ce pavillon nommé « Deutsches Haus », conçu par Albert Speer, représente cette volonté de dominer le spectateur par sa grandeur. De style néoclassique, l’œuvre est monumentale et impressionnante. Le hall d’honneur mesurait 140 mètres de longueur, 20 mètres de largeur et 15 mètres de hauteur, accompagné d’une tour s’élevant à 51 mètres, avec une base de 20 mètres sur 15.
Par ces proportions monumentales, Albert Speer cherchait à incarner la grandeur et l’apparente invincibilité du régime nazi. Il faisait opposition a l’autre œuvre majeure de l’évènement, le pavillon russe, qui lui faisait face dans un duel architectural. Ce pavillon sera à l’image pour Hitler de Berlin quand le Nouvel Ordre sera instauré, après la victoire finale. Ce bâtiment a tout même couté 4 000 000 de Reichsmarks (RM), dans une Allemagne plus que préoccupé par sa santé financière qui aurait pu lui couter sa place dans l’Exposition, bien loin de ce que montre la propagande. Le pavillon marquera tout de même son temps par son architecture cassant les codes de l’époque, généralement plus libres et plus diverses.
Welthauptstadt Germania : la capitale mondiale du Reich
Welthaupstadt Germania est le nom donné au Berlin désiré par Hitler après la victoire finale pour devenir la « capitale du monde » du Reich de Mille Ans.
Ce nom n’est pas tout à fait celui employé lors de son élaboration, on parle plutôt de Gesamtbauplan für die Reichshauptstadt ou Plan d’ensemble de construction pour la capitale du Reich, car il s’agit avant tout d’une reconstruction de Berlin uniquement. Le nom de Germania évoque la cohésion des peuples germaniques autour de cette capitale mondiale et centrale au sein du Reich, ce nom est donc tout trouvé pour désigner ce Nouvel Ordre à venir. C’était également pour réunir autour d’un nom commun les prétentions pangermanistes de l’époque. Conformément à ce plan de « mise à jour » aux idées nationales-socialistes, une reconstruction à grande échelle de la partie centrale de la ville était envisagée avec une démolition massive des bâtiments existants, quelle que soit sa valeur historique et culturelle. Il fallait repartir quasiment d’une page blanche et signifier à tous la fin d’une ère et l’avènement d’une nouvelle en Allemagne.
Welthauptstadt Germania : Projet secret
C’est une idée qui est né dans l’esprit d’Hitler et posé sur maquette par Albert Speer, dans la volonté de préparer sa possible réalisation. Cette maquette est très appréciée par Hitler, car elle lui permet de s’évader l’espace de quelques minutes ou quelques heures de ses missions diplomatiques ou militaires qui lui prennent beaucoup de temps. Alors il discute, débat, décide, invente et élabore toujours plus, toujours plus grand sur cette maquette, en demandant toujours soigneusement à son entourage s’ils sont d’accord avec lui. La réponse est forcément oui et elle nourrit la croyance des proches d’Hitler en son projet à mesure que la guerre se poursuit et en la victoire finale. La capitale du monde, l’Allemagne, recevrait ces mêmes monuments qui « dominaient toute la ville et qui pouvaient être considérés comme un symbole de toute une époque », comme le rêvait le Führer. Il fallait faire rêver.
Cependant, tout n’était pas montré pour autant. Les plans de restructuration ne pouvaient être ignorés, mais la plupart des détails du projet restaient soigneusement dissimulés au grand public. Cette reconstruction est devenue très concrète lorsque les travaux de construction pour la refonte ont commencé en 1938 et se sont poursuivis jusqu’en 1943.
Même les architectes responsables de la construction de certains bâtiments ignoraient souvent la nature des édifices prévus à proximité. Aucun article de presse concernant le projet ne pouvait être publié sans avoir été préalablement censuré par le GBI (Generalbauinspektor) sous la direction d’Albert Speer.
Germania est donc un projet purement personnel, qui va devoir un projet international par la volonté d’un homme et de sa vision du monde. La ville de prédilection d’Hitler est Berlin, pays où il s’est enrôlé pendant la guerre, où il a fondé le NSDAP en 1920, où il est arrivé au pouvoir et a obtenu la majorité au Reichstag en 1933 et où il commande désormais un pays totalitaire tourné vers sa personne.
Berlin est le point névralgique de sa politique, la capitale d’Allemagne bien avant son arrivée et le centre de son pouvoir. Il souhaite donner à la ville un éclat plus important que n’importe quelle autre ville dans le monde et pouvoir être comparable aux cités majeures de l’époque qui ont marqué le monde, comme l’Ancienne Égypte, Babylone ou Rome de l’époque comme on en a parlé plus haut. Il fallait pouvoir identifier tout de suite les incroyables efforts et la puissance du national-socialisme. C’était bien ce que voulait Hitler : les citoyens devaient se sentir minuscules, voire écrasés, face au pouvoir devenu comme de la pierre et indissociable de la vie de tous les jours. Explorons les éléments les plus importants de cette maquette de la Welthauptstadt Germania.
La pièce centrale : La Volkshalle, le Grand Dôme du Peuple
La Volkshalle ou « la Halle du peuple » est très probablement l’œuvre la plus importante de ce Berlin dystopique imaginé par Hitler. Il est également appelé « Le Grand Dôme » car sa structure est en forme de dôme, certes, mais elle frappe tout de suite le spectateur lorsqu’il la voit et impose par sa forme arrondie. C’est l’élément le plus remarquable et improbable que l’on peut retrouver dans les plans de construction du Führer pour sa capitale mondiale.
De style romain et suivant le néoclassicisme, pensé par Albert Speer, la Volkshalle tire son inspiration du Panthéon de Rome, avec sa coupole impressionnante également qui a marqué les générations de bâtisseurs. Hitler voulait des édifices soignés, propres, rationnels, respectant la droiture et l’harmonie visuelle, pouvant s’apparenter à la parfaite représentation des aryens et des êtres forts, puissants, intelligents et dominateurs. C’est dans cet esprit que la Volkshalle a été pensée comme la représentation la plus fiable de cette vision nazie. Tout devait être parfait, à sa place, utile et beau, sauf que ça réalisation même avant de le réaliser était compromise, car le sol marécageux de Berlin était considéré comme un obstacle potentiel à la construction d’une structure aussi massive. Quoi qu’il en soit l’édifice aurait été comme un point central à tout, un point de ralliement de tout un peuple pour la communauté nationale.
Extérieur du plus grand bâtiment imaginé de l’Histoire
Le bâtiment aurait été construit vraisemblablement en granit et en marbre, avec d’un côté et de l’autre la Spree, surplombant toute la ville et border tous les bâtiments gouvernementaux aux alentours. L’édifice, aussi immense soit-il, devait symboliser la puissance du régime nazi, des exploits sur le terrain (Front de l’Est ou contre les Alliés) et l’implacable présence dans l’Histoire pour les mois, années et siècles à venir de l’Allemagne.
Il se devait monumental pour une cause qui dépasse l’Humain et totalement écraser les personnes qui foulent le bâtiment, les rendant insignifiants et invisibles vu de haut ou de loin. Ce bâtiment devait posséder un immense dôme, une coupole, dépassant seize fois la taille de celle de la basilique Saint-Pierre de Rome, ce qui en aurait fait la plus grande coupole du monde. Cette coupole devait s’élever sur un socle carré de 315 mètres de côté, atteignant une hauteur totale de 320 mètres et un diamètre de base de 250 mètres (c’est 4 mètres de moins que la Tour Eiffel). Selon les experts, la respiration d’un si grand nombre de personnes entraînerait de la condensation sous le dôme nuageux et des précipitations. Un bâtiment avec son propre climat naturel, quoi de mieux pour symboliser l’ampleur des projets nazis.
Sous ce dôme, il devait y avoir un corps principal supportant le tout et des quadriges, des chars à 4 cheveux, à chaque coin carré de cet édifice pour renforcer l’aspect prestigieux
Il fut décidé d’orner le dessus du bâtiment et de la coupole d’une lanterne de toit cylindrique, soutenue par plusieurs colonnes en cercle. Au sommet, il devait se dresser un immense aigle tenant entre ses griffes une croix gammée, encadrée d’une couronne de laurier, qui pouvait également être un globe représentant la Terre à la place.
Intérieur démesuré pour l’idéologie
Quant à l’entrée, la devanture était composée de 17 colonnes doubles, hautes de 30 mètres et d’un diamètre de 3 mètres, réalisées cette fois-ci en granit rose suédois avec des chapiteaux en bronze. Il devait être flanqué de deux sculptures de 15 mètres de haut, réalisées également par le sculpteur Arno Breker. Une de Atlas portant le globe d’un côté et l’autre de Tellus soutenant la voûte céleste de l’autre. De chaque côté du porche, une figure d’aigle était également prévue.
Lieu de culte inégalé
L’idée de cette grandeur garde aussi à l’idée que c’est le bâtiment du peuple, donc accessible à tous et aurait été un lieu de culte. Il n’y aurait eu à l’intérieur qu’un seul aménagement d’environ 38 000m² avec des tribunes d’estrade bordant le cercle sur 3 niveaux jusqu’à une hauteur de 30 mètres permettant d’accueillir jusqu’à 150 000 personnes. Certaines sources affirment jusqu’à 180 000 personnes. En face de cette tribune en cercle, à 14 mètres de hauteur, il devait y avoir le pupitre d’Hitler permettant de galvaniser tout ce public. La seule utilité de la Grosse Halle était le culte du Führer et du national socialisme et la mise en avant du pouvoir, comme il est bien représenté dans la série télévisée Le Maitre du Haut Château qui m’a particulièrement marqué, qui montre une réalité alternative ou les allemands avaient gagné la guerre.
L’idée de cet espace si grand et si imposant est de créer la communion entre le leader, les dignitaires nazis et le Volksgemeinschaft, la communauté du peuple dans une union autour d’un seul objectif et de permettre au peuple de s’approprier cette idée (d’où le nom de Volkshalle, la Halle du peuple).
Enfin, la Volkshalle fait partie intégrante d’un complexe plus vaste encore regroupant plusieurs bâtiments gouvernementaux qui se trouvent juste à côté, que l’on va aussi découvrir.
Le Palais du Führer : Résidence de l’Homme le plus puissant du Reich
Toujours sur cet axe nord de la Welthauptstadt Germania, un autre bâtiment aurait pu se dresser et ajouter du prestige à la Volkshalle : le Führerpalast ou le Palais du Führer.
Le Palais du Führer, conçu par Albert Speer toujours, devait être édifié approximativement à l’emplacement actuel de la Chancellerie fédérale à Berlin. Ce bâtiment aurait jouxté les autres bâtiments, comme le Reichstag en face, entourant la Grande Place au centre et aurait été la résidence officielle du Führer et du chancelier du Reich, en l’occurrence à ce moment Adolf Hitler et à ses successeurs quand il décèdera. A l’image de la Maison Blanche, ce bâtiment n’aurait eu qu’une fonction purement d’habitation, d’apparat et de travail pour celui qui dirige l’empire national socialiste. Le Palais s’inspire de la Domus Aurea de Néron, du Palais de Versailles et des temples grecs et égyptiens antiques qui ont fait leur renommé.
Ce bâtiment devait refléter toute la vie et l’ascension d’Hitler au pouvoir, ainsi que sa puissance et la grandeur du Reich. Il en va donc de soi que ce dernier dépasse toutes les limites et toutes les dimensions architecturales. Stylistiquement, le palais adoptait le « monumentalisme » du style national-socialiste, marqué par des proportions gigantesques et une absence d’échelle par rapport à l’humain. Le style global était de type baroque, reprenant les codes des bâtiments palatiaux baroques de l’époque. Tout était démesuré lorsqu’un spectateur ou un visiteur passe devant cet édifice qui abrite le « chef ».
Extérieur du bâtiment le plus fermé du Reich
La façade sur la Grande Place juste en face du Führer comportait des colonnes interminables de style romain, des mosaïques de marbre rouge, des lions de bronze et des reliefs monumentaux, des aigles dorés, etc… Le bâtiment a été pensé pour cloisonner le pouvoir car hormis l’immense portail en acier au centre de l’édifice et une porte menant à un balcon plus au dessus, le bâtiment n’avait aucune ouverture extérieure. Cette volonté n’est pas anodine, car cela évoque l’idée que le palais est une forteresse destinée à symboliser le pouvoir des dirigeants et l’impuissance du peuple et des subordonnés. Il était également conçu pour être facilement défendable en cas de soulèvement populaire et offrir un lieu de retranchement pour les dignitaires si besoin.
Intérieur aux dimensions impensables
A l’intérieur, on pouvait y retrouver le bureau personnel de travail d’Hitler, inspiré de celui de la nouvelle Chancellerie du Reich qui lui est cher, occupait 900 m² et surplombait une terrasse donnant sur un jardin. Conçu pour impressionner, il était huit fois plus grand que la salle de réception de la Maison Blanche, mais non destiné au travail cette fois, étonnamment.
Le palais devait utiliser des matériaux luxueux tels que le marbre, le granit et les bois précieux. Ses dimensions étaient colossales : une façade de jardin en U de 670 mètres, une salle à manger de 2 940 m² pouvant accueillir 2 000 convives, et une superficie totale de deux millions de mètres carrés, jardins compris. Ces éléments, combinés à des fontaines et une palmeraie, renforçaient l’opulence baroque du projet.
Dans l’aile nord du Palais, Albert Speer avait prévu d’y intégrer un théâtre de 400 places doté de fauteuils somptueux, s’inspirant des ailes de théâtre des palais baroques. Le concept central du bâtiment était l’« enfilade », qui était un parcours à travers des salles d’exposition décorées menant au bureau d’Hitler.
Pour l’aile sud, Speer avait imaginé pour Hitler une suite de pièces s’étendant sur 504 mètres, reliant l’entrée de la Chancellerie au bureau d’Hitler. Parmi elles, une galerie de 220 mètres, trois fois plus longue que la Galerie des Glaces du Château de Versailles (73 mètres), et nettement plus imposante que la Galerie de Marbre de la Nouvelle Chancellerie du Reich, qui mesurait 146 mètres. Cette volonté de surpasser les dimensions des galeries historiques reflétait une ambition explicite : établir un symbole architectural écrasant de grandeur et de puissance rien qu’en marchant dans les couloirs. Hitler voulait que chaque visiteur sente qu’il entre dans le bureau de l’Homme le plus puissant du monde.
Ce bâtiment reflète véritablement l’obsession de grandeur et de tyrannie qu’on retrouve dans l’idéologie national-socialiste et montre que tout aurait été mis en avant pour marquer visuellement le spectateur, peu importe qui il est. Mais cet aspect est surtout à l’intérieur également, tout aussi extravagant et mesuré que l’extérieur, avec la façade du jardin du Palais du Führer qui aurait mesuré 670 mètres, dépassant celle de Versailles d’environ 100 mètres. On retrouve une nouvelle fois l’obsession de surpasser les bâtiments européens et majeurs, inscrivant le projet dans une vision mégalomane de domination mondiale qui caractérise bien cette capitale mondiale Germania.
L’Arc de Triomphe : l’Arc en l’honneur des soldats Allemands et de la guerre
Au cœur de ce Berlin uchronique Welthauptstadt Germania, non loin de la Volkshalle et du Palais du Führer, un autre bâtiment devait émerger, conçu pour marquer durablement les esprits : un Arc de Triomphe, inspiré de celui de Paris, mais conçu dans des proportions bien plus imposantes.
L’Arc de Triomphe de Germania, inspiré par l’architecture romaine, devait être le plus grand du monde, avec une hauteur de 120 mètres et 170 mètres de large. Adolf Hitler, impressionné par l’Arc de Triomphe de Paris (50 mètres de hauteur), esquissa lui-même les premiers croquis dans les années 1920, aspirant à créer une structure encore plus grandiose. Speer est également derrière l’élaboration de l’édifice.
Il a été pensé que tous les noms de tous les Allemands morts pendant la guerre mondiale seraient gravés sur l’arche, en commémoration de chaque soldat ayant donné sa vie pour le Reich, soit environ 1,8 million de soldats à l’été 1936. Toujours est encore, l’arc est à l’image de toutes les autres réalisations de Germania, gigantesque et empreint de gigantisme que le national-socialisme voulait mettre en avant.
La planification était si avancée qu’en 1941, du granit fut commandé en Suède et un socle de fondation fut réalisé pour tester la capacité du sol à supporter de telles contraintes. Des esclaves français construisirent alors un gigantesque bloc de béton de 12 360 tonnes, mesurant 14 mètres de hauteur (dont 18 mètres enfouis sous terre) et 21 mètres de largeur. Ce vestige, impressionnant par sa taille, reste visible à ce jour.
L’Arc de Triomphe aurait servi de cadre monumental pour les défilés des troupes victorieuses du Reich. Situé au cœur d’une longue avenue centrale, il reliait l’extrémité nord, dominée par la Volkshalle, à l’extrémité sud, marquée par l’Arc.
L’Allée de la Victoire, le boulevard large de 120 mètres
Cette avenue de la Welthauptstadt Germania, clairement affichée comme l’Allée de la Victoire, aurait été large de 120 mètres, s’étendait sur six kilomètres sur l’axe nord-sud, lequel devait s’étirer sur une impressionnante longueur totale de 40 kilomètres, guidant les visiteurs et les citoyens allemands à travers la capitale et les points importants. Il y aurait également eu des rangées de canons dirigées vers le ciel afin de montrer que l’armée, la guerre et leur triomphe réside dans la gloire militaire et les victoires sur le champ de bataille.
Par la suite, cette allée de canons était censée former une conclusion triomphale en tant que parvis de la Südbahnhof, la gare au bout de l’Allée. Toutes les autorités impériales et du parti ainsi que les sièges sociaux des entreprises et les institutions culturelles devaient être situés sur cette longue avenue centrale, afin de compléter les bâtiments déjà gigantesques autour et l’Arc de Triomphe venait compléter l’ensemble, déjà chargé en symboles et impressionne par sa taille et son style.
Autres bâtiments de la Welthauptstadt Germania
Les bâtiments principaux de la Welthauptstadt Germania restent ceux que nous avons vus, mais d’autres complètent et ajoutent du gigantisme à la ville, encore et toujours. On retrouve en face de la Volkshalle l’état major de la Wehrmacht (l’armée allemande regroupant les états majors de la Heer, la Kriegsmarine et la Luftwaffe), la porte de Brandenburg sur la route Unter der Linden qui borde le palais du Führer, la nouvelle chancellerie du Reich qui a été totalement reconstruite avant la guerre, les gares sud et nord (Südbanhof / Nordbahnof), la mairie de Berlin, les bureaux du chancelier…
Tout aurait été revu pour satisfaire l’idéologie et rejoindre déjà le nombre important des bâtiments nazis, comme le village olympique des jeux de 1936, la tribune zeppelin à Nuremberg, la nouvelle chancellerie du Reich…
Mais cet ville revisitée et monumentale n’est qu’un aménagement et une reconstruction parmi d’autres projets tous aussi impressionnants qui devaient permettre à l’Allemagne nazie d’encrer encore leur idéologie dans le monde, qui fera l’objet d’un article dédié à venir.
Conclusion
Tout ce qui a été écrit dans cet article n’a jamais été construit et n’a jamais dépassé le stade de dessins et de maquettes.
Ces projets monumentaux, bien que réalisables pour la plupart, révèlent l’ampleur de l’ambition du régime nazi et de la vision démesurée d’Hitler pour une capitale mondiale à son image et au service de son idéologie. Si ces constructions n’ont jamais vu le jour, elles demeurent un témoignage intéressant de l’idéologie nazie et de sa volonté de marquer l’Histoire par la construction de bâtiments monumentaux.
En dépit de leur grandeur théorique, ces projets sont également le reflet d’une folie architecturale et d’un gigantisme sans limite qui, en fin de compte, n’a pas résisté au passage du temps, de la guerre et de l’Histoire. Sa construction, si elle avait été réalisée, aurait supprimé toute trace du passé de l’Allemagne, le déplacement de milliers d’Allemands dans les provinces, mobilisé une main-d’œuvre colossale et utilisé des ressources gigantesques pour impressionner et imposer, dans le seul but de dominer – si nombreux peuvent ils être – les ennemis et le peuple du Reich.