Hans-Georg Henke, le visage d’une jeunesse brisée par la guerre

Histoire

La guerre dépasse largement l’affrontement d’idéologies ou la simple haine de l’ennemi : elle est le concentrateur de la destruction de tout ce qui maintient une société debout. Le but étant d’écraser l’ennemi ou le soumettre, la guerre s’inscrit dans ce que l’Humanité a faire de pire ; et elle est encore d’actualité aujourd’hui. Parmi ceux qui se battent, on trouve les civils, qui subissent un exode forcé : on y retrouve les mères qui voient leurs enfants partir à la guerre et on y voit également les enfants. Que cela soit dans les guerres plus anciennes ou actuelles, ils sont aussi les principaux touchés et sont des dommages collatéraux malgré eux, à l’image de Hans-Georg Henke, 16 ans, en pleurs devant l’objectif du photojournaliste américain John Florea.

Dans cet article, nous allons donc nous intéresser à la jeunesse et surtout à cette photographie très célèbre montrant ce jeune soldat en sanglot aux derniers jours de la Seconde Guerre Mondiale, en 1945. Nous allons l’étudier et l’analyser comme celle d’Eisenstaedt et de son image célèbre de Goebbels apprenant qu’il était juif. Nous allons décrypter son comportement, y décrypter tout le désespoir dans ses yeux, les raisons de ce sanglot et tout l’envers du décor de cette image qui a fait le tour du monde.

1945, l’Allemagne envahie de toutes parts

Pour bien comprendre l’image datée de 1945, resituons nous à l’époque de la grande débâcle quand l’Allemagne ne fait que reculer sur tous les fronts. Car oui, 1945 est l’année qui fut décisive dans les combats et en particulier pour le front qui ne fait que reculer de jours en jours à l’intérieur même du Reich. 3 fronts se font face : le front ouest et sud américain, britannique et français ainsi que le front tenu par les soviétiques. Ils sont acculés de tous bords, incapables techniquement et logistiquement de tenir des millions d’hommes de plusieurs pays en même temps.

Les statistiques et le front indiquent que la fin arrive à grands pas. La défaite est proche mais beaucoup d’allemands, endoctrinés par la vision de la victoire finale promise par Hitler, ne voient que l’idée qu’ils doivent se battre plus vite et plus fort encore contre l’envahisseur pour garantir leur suprématie. De par le Standbefehl qui prône l’idée de ne pas reculer, né évidemment comme dans tout combat des prisonniers et des soldats qui se rendent et abandonnent leur rôle suite à l’évidence de la situation catastrophique où ils sont.

Cela va aussi être le cas à environ 150 kilomètres de Berlin, dans la ville de Stettin où une unité de la Luftwaffe qui étaient sur une batterie de canon anti-aérien 88mm a dû combattre et se rendre. En effet, l’unité fut totalement submergée par l’avancée soviétique venant de l’Est qui repoussèrent l’unité vers Rostock. C’est là que les Soviétiques ont finalement vaincu et capturé l’unité, que des photographies ont été prises : c’était le 1er janvier 1945 près d’une ferme.

Les photographies d’un jeune soldat capturé

Les photographies récupérées représentent un jeune homme de 16 ans nommé Hans-Georg Henke en uniforme de la Luftwaffe, en larmes et en sanglots, très effrayé et très attristé.

Mais le jeune Hans-Georg a déjà un passé lourd derrière lui à ce jeune âge. Né en 1928, il a été orphelin jeune : son père mourut en 1938 et sa mère en 1944. Il fut membre des Jeunesses Hitlériennes, dut travailler pour subvenir aux besoins de sa famille et il a accédé à la Luftwaffe1 pour rejoindre ses 2 frères où il fut affecté à une unité antiaérienne. Il fut alors fait prisonnier et on observait alors ce qui le rendra tristement célèbre mondialement et fera de lui un symbole d’une guerre et d’un pays à l’agonie, arrivé au point d’enrôler des très jeunes hommes dans leurs rangs.

Hans-Georg fut l’un de ses malheureux soldats confrontés à la dureté de la guerre, emprisonnés dans le système bien huilé du nazisme et de l’engrenage de l’armée. Au début de 1939, on trouvait jusqu’à 8,7 Millions de jeunes dans les Jeunesses Hitlériennes alors qu’on estime qu’environ 200 000 jeunes garçons furent seulement intégrés aux rangs comme lui pour combattre lors des derniers mois du conflit. Cette jeunesse qui idéalise la guerre a réalisé bien trop vite à leur arrivée prématurée sur le front la dure réalité de la souffrance, de la peur, du sang et de la mort. Ils ont réalisé par eux-mêmes que la vie n’est pas un jeu et uniquement une histoire d’idéologie et de victoire, mais bien une réalité crue, traumatisante et froide.

Un trouble de stress post-traumatique plutôt qu’un sanglot ?

Selon Hans-Georg lui-même, ses larmes symbolisaient la fin d’un monde qu’il connaissait : la défaite allemande et l’effondrement du régime nazi, de ce à quoi il a été bercé toute sa vie, aveuglé par les discours et la triste réalité. Cependant, John Florea propose une autre interprétation qui semble mieux coller : il s’agirait d’un choc post-combat / trouble de stress post-traumatique (PTSD), qui est un phénomène fréquent chez les jeunes soldats inexpérimentés confrontés à l’horreur de la guerre comme Hans-Georg qui sont jetés sans préparation dans les combats.

On peut y voir effectivement plusieurs éléments y ressemblant :

  • Larmes
  • Sourcils levés et rapprochés
  • Paupières supérieures relevées
  • Paupières inférieures tendues
  • Mâchoire ouverte et lèvres étirées horizontalement vers l’arrière

La Peur – Les sourcils se lèvent. Les yeux s’écarquillent, les paupières supérieures se soulèvent et laissent apparaître du blanc au-dessus de la pupille, et les pupilles se contractent. La bouche s’ouvre et s’étire.

Expression faciale – Jeff Searle2

Combiné à ce choc, Hans-Georg a été choqué et apeuré par ce qu’il a vu et fait, causant en lui ce trouble qui le marquera à vie, comme bien d’autres.

Erreurs sur le témoignage d’Hans-Georg

Les informations données dans cet article sont tirées du témoignage de Hans-Georg lui-même, mais aujourd’hui nous pouvons prouver avec certitude que le lieu indiqué de Stettin n’est pas le bon. C’est le réalisateur lui même de la photographie qui nous prouve cela, le photojournaliste américain John Florea, à cette époque était attaché à la 9e division blindée en tant que correspondant de guerre, qui affirme avoir pris ces clichés en Hesse, dans le village de Hüttenberg-Rechtenbach, au nord de Francfort-sur-le-Main. Nous pouvons nous l’assurer car il s’agit de plusieurs images montrant des quartiers encore reconnaissables aujourd’hui de Hesse.

Par ailleurs, contrairement à ce qu’il prétendit également plus tard, les photos montrent clairement qu’il portait des bottes au moment de sa capture, et non des chiffons aux pieds comme il le dit également dans son témoignage… La seule explication plausible de la modification de son récit par Henke réside dans son choix, après la guerre, de rejoindre le Parti communiste3 et de s’installer en Allemagne de l’Est avant d’y décéder à l’âge de 69 ans, le 9 octobre 1997..

Hans-Georg emporte avec lui une histoire qui fut bien semblable à bien d’autres et surtout à toutes les jeunes vies qui malgré elles ont fait la guerre et n’en ressortirent jamais indemnes physiquement ou moralement.

Sources

Notes intrapaginales

  1. L’Armée de l’Air Allemande ↩︎
  2. https://jeffsearle.blogspot.com/2016/06/facial-expression.html ↩︎
  3. On estime alors que les communistes est-allemands considéraient alors tous ceux qui s’étaient rendus aux Américains comme une force potentiellement suspecte. Pour brouiller les pistes, Henke adapta son histoire : la capture par les Américains fut remplacée par une prétendue capture par les Soviétiques. ↩︎


En savoir plus sur Acta Equitum

Subscribe to get the latest posts sent to your email.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *