Pour forger une armée navale puissante, il faut mettre en grande quantité à l’eau d’immenses bâtiments comme des destroyers, des croiseurs ou des cuirassés. Mais à côté des mastodontes, on retrouve aussi de plus petits navires permettant d’assurer la protection des navires imposants qui n’arrivaient pas à contrer des menaces discrètes comme les sous-marins ou des bateaux d’attaque rapides. Ils ont besoin d’être suivis et accompagnés, surveillés. C’est pourquoi des petits bateaux les suivent, formant alors entre les navires de combat et les navires d’escorte un convoi fort et résilient. C’est pourquoi que dès 1920, l’Allemagne se dote de Räumboot, ayant pour rôle principal de mouiller de mines au départ, servira également à cette tâche d’escorte et de patrouilles en mer.
Sa tâche est tout aussi cruciale que de se lancer dans un conflit entre bateaux et ce petit navire similaire et cousin du Schnellboot a tout de même pu faire ses preuves. Malgré que les S-Boot leur prennent la vedette, ils ont été employés dans bon nombre d’opérations. Nous allons explorer dans cet article les facettes de ces petits bateaux de guerre de la Kriegsmarine qui sont plutôt méconnus du grand public.

De la restriction du Traité de Versailles naît de nouveaux bateaux
Ce type de bateau a été développé et pensé aux débuts des années 20 et aura alors devant lui une bonne décennie de préparation. Cette classe de bateau devait apporter un nouveau besoin opérationnel et militaire. Mais en raison du Traité de Versailles qui empêchait l’Allemagne de pouvoir se procurer des cuirassés ou des bâtiments purement d’attaque, la marine allemande était cantonnée à ne pouvoir que se défendre et les navires étaient impactés directement, les dragueurs de mines aussi.
Malgré le fait qu’elle peut posséder la technologie adéquate, elle ne peut pas développer sur le papier et utiliser d’armement puissant ou suffisamment fort par rapport aux pays vainqueurs (France, Grande-Bretagne..). Elle ne peut pas non plus constituer une armée de plus de 100 000 hommes sur la terre, la mer et les airs. C’est donc un frein très important et le traité touchera bon nombre d’aspects de la vie allemande : une amputation et une zone démilitarisée sur son territoire (la Rhénanie), des dettes pharamineuses et des restrictions dans tous les aspects de la défense.
Il était donc intéressant pour les architectes sur le chantier naval Abeking & Rasmussen à Lemwerder d’avoir de nouvelles missions à réaliser et ils n’avaient désormais que des petits bateaux pour leurs tests et leurs réalisations. Mais cette restriction n’a certes pas renforcé la flotte avec des grands bâtiments mais elle a donc fait grossir la flotte des petits bâtiments. On notera de cette flotte l’élaboration dès les années 1920 et 1930 les bateaux rapides d’attaque en zones côtières « Schnellboot » S-Boot, les sous-marins « Unterseeboot » U-Boots pour les défenses côtières de Type II et enfin les mouilleurs de mines en zones côtières « Räumboot » R-Boot. Il y en a d’autres, mais les plus structurés ont été citées et représentent l’essentiel des forces ayant été engagées au combat. Ils représentent à cette époque l’avenir de la future Marine allemande.
Le concept de dragueur de mines
Les dragueurs de mines ont vu le jour à la Première Guerre Mondiale, première guerre moderne ayant vu l’apparition des mines et également du moyen de palier à ce nouveau danger : des chalutiers modifiés. Car oui, la guerre même terminée laisse des restes, ici des mines et il fallait pouvoir déminer les mines laissées.
En effet, pour lutter contre ce nouveau fléau, il fallait les détruire par un moyen ou par un autre et l’idée d’un dragage qui fait apparition pour ratisser large et faire remonter les mines ancrées sous l’eau semble être la solution. La méthode du chalutier et de son filet de pêche a fait son temps et son digne successeur est donc le dragueur de mines, apparu après la Première Guerre Mondiale, quasiment identique mais désormais c’est un bateau spécialement conçu pour cette tâche, à peine plus grand que des yachts modifiés et qui peut se faufiler dans les eaux côtières.
Le fonctionnement d’un dragage de mines
Mais ce qui nous intéresse, c’est le Räumboot ou R-Boot. Il a attiré l’œil car il répondait en tout point à l’idée d’avoir un bâtiment qui soit le plus amagnétique (pas magnétique) possible, maniable et pas trop grand pour pouvoir opérer dans les eaux côtières en toute efficacité, c’est juste parfait pour des dragueurs.
Celle du mouilleur / dragueur de mines a pour mission d’opérer dans un environnement possiblement miné par une puissance étrangère ; ou susceptible d’endommager des embarcations et généralement dans un convoi. Il doit alors neutraliser les menaces. Il faut qu’il cisaille les orins (corde retenant la mine sous-marine) et faire remonter à la surface ces même mines sous-marines qui sont dans la mer à l’aide d’un dragage (structure rigide sur le dragueur plongeant dans les fonds marins).
Un Räumboot tire donc un câble spécial derrière lui, qui gratte les fonds marins comme une faux ou un filet de pêche. Ce même câble coupe les câbles des mines à orin et les fait remonter à la surface. Ensuite, les marins les font exploser à distance avec un simple fusil par exemple.

Ce bateau est là pour assurer que les mines endommagent aucun navire et cela en fait des bateaux particulièrement vulnérables car ils ne peuvent pas détecter les mines… ils ne peuvent pas voir la mine sous l’eau avant qu’elle n’explose ou ne soit détectée via le dragage. Leur seul moyen est de « balayer » l’eau à l’aveugle. De plus, les mers seront de plus en plus minées au fur et à mesure dans l’entre-deux-guerres, ce qui en fera des navires importants.
Les Räumboote
L’Allemagne se compose donc également des dragueurs de mines. Ils subiront des modifications et des ajustements tout le long de la guerre à l’image de n’importe quelle technologie et s’adapteront aux réalités du terrain. Ils conservent cependant leurs propriétés typiques mais différentes classes verront le jour, comme les R-Boots de classe 60 tonnes,110 tonnes et 115 tonnes d’avant guerre. Etant au départ un bateau de dragage, il sera aussi amené à faire du déminage de mines.
Durant la guerre, c’est le chantier naval de Brumester à Brême qui reprend une partie de la production pour produire les classes Aldebaran (des R-41 à R-129) et Capella (R-130 à R-150) qui apportent des améliorations constantes à ce dragueur allemand qui a fait ses preuves dans la guerre. Avec le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, le programme de construction et de développement fut largement intensifié et amélioré. Fort de l’expérience de la guerre et à la fin du conflit, 424 dragueurs de mines Räumboot avaient été réalisés, tous dérivés d’un même modèle de base d’avant-guerre.

Un bâtiment de guerre fiable et robuste
On dénombre pour les 424 R-Boots plus de 19 flottilles de dragueurs de mines « Räumboots-Flottillen » dans la Kriegsmarine, ce qui fait de ces bâtiments des acteurs importants et présents au cours de la Seconde Guerre Mondiale. Ils furent très redoutables que leur utilisation étant avant la guerre de se limiter au dragage, se verra devenir un bateau multifonction, aussi bien utilisé pour réaliser des escortes de convois, des patrouilles maritimes, le déminage, le mouillage / dragage de mines et le sauvetage air-mer. Ils ne se limiteront pas à l’Atlantique, car ils opèreront dans tous les théâtres d’opérations allemands comme la Mer Baltique, la mer Méditerranée ou même la mer Noire.
Caractéristiques des Räumboote
Système MES
Les Räumboote construits étaient principalement en bois, très manœuvrables et très puissants en traction avant le harnais de déblaiement. Les moteurs par contre ne pouvaient pas être isolés ou répondre à l’idée de ne pas avoir de métal proche de l’eau. Il ne fallait pas qu’ils soient en matière magnétique pour éviter d’attirer les mines et de déclencher des explosions. Mais un système innovant était bien équipé permettant de réduire considérablement les champs magnétiques ; grâce à un système MES ou Magnetischer Eigenschutz signifiant autoprotection magnétique. Ce système permettait au R-Boot de réduire sa signature magnétique (sa présence) pour que les mécanismes de détonation magnétique des mines ou des torpilles ne soient pas déclenchés et ainsi les détruire sans risquer qu’elle n’explose.

Chiffres sur le dragueur R-Boot
Pour ce qui est du bâtiment, plus de 15 à 18 jusqu’à 38 à 42 marins allemands pouvaient composer un dragueur selon sa classe, se qui représente une organisation importante pour ce qui n’était au départ qu’un chalutier modifié pour répondre à ce nouveau danger que représentait les mines.
Ils étaient plutôt petits et pouvaient mesurer entre 25 mètres pour ceux d’avant-guerre et plus de 41 mètres de longueur pour ceux en temps de guerre. Leur déplacement est équivaut à d’autres bateaux de cette taille et selon les modèles pouvait atteindre 47 tonnes jusqu’à 175 pour ceux vers la fin de guerre. Ils furent équipés principalement sur le pont de canons et de défenses antiaériennes Flak de 2cm / 3,7 cm pour assurer sa sécurité contre les avions et les embarcations. On dénombre plusieurs fois ses canons, avec également des lance-roquettes ou également des tubes lance-torpilles 53,3cm qu’on pouvait retrouver sur des Schnellboot ou dans des sous-marins.
Concernant leurs déplacements selon les différentes classes, ils pouvaient aisément se déplacer en mer pour suivre les convois dans les divers théâtres d’opérations avec un rayon de 800 km pour les R-Boot de 60 tonnes jusqu’à 1100 km pour les R-Boot de 100 tonnes. Etant donné que ce n’était pas des bateaux ayant besoin d’être rapides, ils furent équipés de moteurs sous les 2000 chevaux comptabilisant des vitesses moyennes comprises entre 31 km/h (17 noeuds) et 38 km/h (21 noeuds). Leur maniabilité leur permettait de compenser cette vitesse normale.

Fin de guerre et nouvelles utilisations
En raison de leur armement léger, un grand nombre des R-Boot furent détruits ou endommagés pendant la guerre et environ 140 survécurent sur les 424 utilisés par la Kriegsmarine. Comme le U-Boot de type 21 « Elektroboot », les R-Boots furent réutilisés un peu partout par les puissances vainqueurs qui tireront profits de leur grande efficacité et de leur robustesse. Encore plus qu’à la Première Guerre Mondiale, en 1945, il fallait maintenant tout reconstruire et cela passait également par le déminage des mers et des zones côtières.
Les États-Unis reçurent 48 bâtiments, l’Union soviétique 45, le Danemark 24, la Grande-Bretagne 11, les Pays-Bas 8 et la Norvège 4. Quant aux R-Boote capturés par les Alliés, ils furent réemployés pour constituer le Deutscher Minenräumdienst ou « Service allemand de dragage de mines », chargé de déminer les eaux européennes après la fin du conflit.
On verra également apparaître, après la guerre, dans les années 1960, des R-Boote de classe Schütze ou classe 340/341, qui constitueront l’ossature de la nouvelle Marine allemande, reprenant les technologies et l’expérience acquises pendant la guerre. On retiendra des dragueurs de mines leur capacité à assurer l’escorte des convois, leur efficacité éprouvée ainsi que leur rôle dans le déminage des zones côtières après la guerre — comme pour rappeler que, quelques années plus tôt, ces mêmes bateaux combattaient pour empêcher qu’on démine…
Sources
https://www.flickr.com/photos/hawk_ace/52088688520/in/photostream/