Le Berghof

Le Berghof est un pilier majeur de la montée en puissance du nazisme, il a été l’image d’un homme : celui d’Hitler. Il s’agit d’un lieu bien apprécié par ce dernier et de sa maîtresse cachée, Eva Braun. Il y séjourna pas moins de 280 jours durant toute la durée de la guerre, derrière les 800 jours à son sanctuaire polonais du Wolfsschanze, « la Tanière du Loup ». Plus qu’un simple chalet, il représente tout ce qu’Hitler voulait montrer au peuple allemand : amoureux de la nature, l’ami des enfants, le bon voisin d’à côté, l’homme cultivé, l’homme qui est l’un des nôtres…

Mais aussi devant le monde car Hitler y réunissait ses généraux, non seulement pour le travail, mais aussi pour des vacances et se reposer face aux contraintes qu’imposait son statut. Nous allons décortiquer comment ce chalet bavarois est devenu un lieu de commandement incontournable durant une bonne partie de la guerre jusqu’à sa destruction.

Au commencement : la Maison Wachenfeld

1916. Nous nous trouvons en Bavière (Allemagne), dans la petite commune de Bertesgaben et dans un quartier : l’Obersalzberg. L’Obersalzberg surplombe le centre-ville de Berchtesgaden et est situé à environ deux kilomètres à l’ouest de la frontière avec l’Autriche. Cela va avoir toute son importance pour la suite. 

A la base, le Berghof n’était pas le Berghof a proprement dit, il n’appartenait même pas encore à Hitler. 

Ce chalet a été construit près d’un petit hôtel nommé Zum Turken en 1916. C’est une maison de campagne à Wachenfeld pour un Industriel du cuir de Buxtehude (ville en Allemagne) nommé Otto Winter. Par la suite, il donna le nom de Wachenfeld à son chalet, du nom de jeune fille de son épouse. Il y séjourna avec sa famille, sans plus d’histoires. Lorsque le propriétaire mourut, c’est à sa veuve Margarete Wachenfeld qu’échut cette résidence secondaire. Cela dit en passant, Margarete était membre du parti hitlérien : ce qui amena qu’elle accepta de louer le chalet au Führer qui aimait bien ce lieu reculé… Le rouage est désormais lancé et Hitler passe son temps libre dans ce chalet.

Lieux important pour un certain Herr Wolf

Ce chalet n’a pas été choisi par hasard car les motifs des déplacements du Führer dans la région étaient en fait plutôt ordinaires : Hitler était un homme qui n’aimait pas la ville et l’agitation de la vie urbaine, il préfèrait la campagne et le plein air. Son domicile sur l’Obersalzberg, ce chalet, lui offrait un havre de paix et de tranquillité particulier qu’il appréciait plus que tout.  Également, l’intérêt d’Adolf Hitler pour les collines au-dessus de Berchtesgaden a commencé en 1923, lorsqu’il est venu rendre visite à son ami et mentor, Dietrich Eckart, qui vivait à l’hôtel Platterhof plus bas dans la vallée. Hitler s’y est rendu sous le nom de « Herr Wolf » et a tenu des réunions avec des partisans dans des maisons d’hôtes locales, ce qui fait de ce lieu un endroit très important pour le national-socialisme. Il se sent chez lui.

Maison nationale-socialiste

Peu après que son putsch de la Brasserie à Munich en 1923 a échoué ainsi que sa détention pendant 9 mois à la prison de Landsberg, Hitler se retira sur les hauteurs de Berchtesgaden. Il vécut tout d’abord chez son ami Dietrich Eckart à l’Hôtel Platterhof. Il séjourna ensuite dans un blockhaus situé sur l’Obersalzberg…

C’est à ce moment qu’il acheva son livre « Mein Kampf ». Il compléta le 2e tome avec l’appui de son aide de camp des débuts Rudolf Hess. A côté de cela, il se fit des amis et des bienfaiteurs parmi la population. Heureusement, il pu relouer à nouveau la maison Wachenfeld en 1928 et put sortir de son blockhaus.

A cette date, Hitler, convaincu par le lieu, acheta la maison Wachenfeld avec sa demi-sœur Angela Raubal. Il y reçut très régulièrement les responsables du Parti National Socialiste pour des réunions ou des dîners. A la fin, il finit par acheter le chalet en juin 1933 grâce aux droits d’auteur de Mein Kampf. De plus, il a également pu gagner beaucoup d’argent grâce à cela. Désormais, il est le fier possesseur de la maison Wachenfeld. 

Rénovations du chalet Wachenfeld

Le 5 mars 1933, jour ou Hitler accède au pouvoir légalement durant les 9^èmes élections fédérales allemandes de la république de Weimar avec 17 277 180 voix pour 43,91% des votes.  Il installe fermement son autorité et son parti des travailleurs allemands, le NSDAP au Reichstag avec 288 sièges (majorité absolue : 324) sur 647. C’est le début du Troisième Reich d’Hitler. Mais il ne perd alors pas de temps et entreprend une rénovation presque complète du petit chalet bavarois. Hitler adore le lieu et a a de grands projets et prévoit un grand agrandissement. Il changera même les environs afin de pouvoir s’y installer, à la hauteur de son prestige. 

Le plus intéressant est que c’est Hitler en grande partie qui a pensé cette rénovation, en y dessinant les plans. Ce dernier fait agrandir le chalet de 1935 à 1936, d’abord par l’architecte Alois Degano puis par Roderich Fick. De fil en aiguille le chalet se transforma totalement. La Maison Wachenfeld a été repensée pour montrer une autre image d’Hitler. Pour suivre l’évolution de cette résidence de style alpin, elle fut nommée « Le Berghof », ou « ferme de montagne ».

On parle véritablement ici d’une expansion et d’un agrandissement important, bien au-delà du simple bâtiment. La nouvelle maison terminée incorporait une partie de l’ancienne Wachenfeld agrandie. Il y avait aussi de nouvelles ailes pour les invités, un garage et une vaste terrasse au-dessus de ce dernier. Vous l’aurez compris, tout la vie à l’intérieur a également été revue.

Nouvelles salles

Parmi les modifications effectuées, une à fait la réputation du Berghof. Très célèbre, il s’agit de la gigantesque fenêtre panoramique pleine vue vers les montagnes. Cette grande vitre s’abaisse mécaniquement et permet d’avoir une vue splendide sur Untersalzberg. De plus, c’est un véritable symbole du pouvoir allemand que voulait donner Hitler devant ses visiteurs.

Zone réglementée d’Obersalzberg

Le Führersperrgebiet Obersalzberg , traduit par « Zone réglementée d’Obersalzberg » était la zone restreinte et privée à Berchtesgaden. La zone délimitée servait à pour protéger le Berghof de tous types de menaces. On y retrouve ainsi que les bâtiments d’autres dirigeants du NSDAP comme Hermann Göring ou Martin Bormann à proximité. 

Les dignitaires du régime achetèrent à leur tour des maisons à proximité. Aux alentours de 1935-1936, tous les habitants des environs se voient racheter leur propriété de gré ou de force. . Autres que ses installations, il fut construit un aérodrome a Ainring,le « Regierungsflughafen Reichenhal/Berchtesgaden.

Un peu plus bas, nous retrouvons tout l’état-major d’Hitler et son personnel.

1=Berghof     2=Gestapo et SD   3=Route de Bergdesgaden  4=Creche    5=Maison pour les études architecturales   6+8=Administration Obersalzberg   7=Caserne SS habitation   9=Caserne Administration
10=Caserne halle pour ordre serre   11=Garage  12=Maraichère   13=Post  14=Habitation chauffeurs
15=Poste de Sécurité   16=Maison des hôtes d’état « Der Platterhof »  17+18=Habitation personnels Platterhof

A Bischofswiesen près de Berchtesgaden fut construit le « Reichskanzlei Dienststelle Berchtesgaden ». A l’écart du Berghof, le lieu dispose de tout l’équipement et le personnel. En plus, Ce dernier est identique à la Reichskanzlei (Nouvelle Chancellerie) à Berlin.

Zone réservée pour Hitler

A titre d’exemple, les locaux étaient soumis en partie à des menaces ouvertes. Les habitants environnants se virent assigner un autre lieu de résidence, de force. Plus de 400 personnes durent quitter la montagne d’Obersalzberg. Le déménagement et l’évacuation d’une famille disposait de 3 jours pour quitter les lieux. En cas de refus, le père aurait été envoyé dans un camp de concentration. Cela valait aussi pour les familles qui vivaient sur la montagne depuis des générations.

Le secteur a été clôturé sur une longueur de 27 kilomètres d’une superficie de 10 km2. Il fut alors transformé en complexe avec des installations militaires et civils. On parle ici d’hébergement du personnel, des hôtels, des bunkers souterrains et des défenses contre les raids aériens. On retrouve aussi une salle de cinéma, une caserne pour les SS, un champ de tir souterrain pour le personnel. Il fallait un laisser-passer pour accéder au « Domaine du Fuhrer »

Propriétaire : Adolf Hitler

Pour bien comprendre, posons nous une question essentielle. Comment Hitler a-t-il fait pour personnifier un lieu comme la réincarnation de sa personne et de son idéologie devant le monde ?

Après l’expansion du chalet, Hitler disposait donc d’une maison de représentation, qu’il pouvait utiliser à sa guise étant chancelier. Etant un ancien artiste, il a été fortement impliqué dans la conception et l’ameublement de sa nouvelle maison. Le bâtiment et les chambres ont été créés dans le style monumental privilégié par le national-socialisme et destiné à impressionner. 

Un immense complexe blanc, typique chalet suisse, spacieux, moderne. Chaque invité, et surtout Hitler lui-même, ne pouvait que se sentir bien dans ce beau domicile alpin à l’écart de l’excitation de la ville. Un autre élément important de sa représentation était les peintures, des livres de valeur, des tapis et des gobelins précieux complétaient l’intérieur, qu’il avait spécifiquement choisi et montrait avec plaisir à ses invités. 

Lieu de démonstration

Elle fût davantage en adéquation avec l’usage qu’il en faisait et comme principal objectif. Il accueillit de nombreuses visites de personnalités politiques et de chefs d’États. On peut d’ailleurs y compter : Le Duc et la Duchesse de Windsor, Neville Chamberlain (UK), Ante Pavelić (Croatie), André François-Poncet (France), ou son fidèle ami Mussolini. De plus, Hitler utilise également l’endroit pour préparer des actions politiques et militaires avec les principaux responsables de l’appareil d’État nazi.

Désormais, avec la construction de la « Chancellerie du Petit Reich » en 1937, ainsi que de l’aéroport Reichenhall-Berchtesgaden comme deuxième siège du gouvernement, le lieu devint un lieu central du pouvoir dans le Reich national-socialiste allemand.

Toujours pour la propagande, un culte de la personnalité s’est installé : Le dictateur qui a fait construire des camps d’extermination s’est présenté ici comme un père de famille, un amoureux des animaux et un amoureux de la nature. Mais également comme l’amoureux de la nature, l’ami des enfants, le bon voisin d’à côté, l’homme cultivé, l’homme qui est l’un des nôtres… afin de donner une image de lui plus noble et honnête devant son pays et les autres. Il voulait montrer la grandeur de son pouvoir et de son pays, comme il aime le représenter à la Nouvelle Chancellerie également.

Un autre élément représentatif célèbre de la maison était la grande baie vitrée électriquement rétractable de 8 mètres sur 4 mètres dans le grand hall.

Lieu de pèlerinage pour toute l’Allemagne

Vous imaginez bien qu’avec une telle représentation de son dirigeant et de l’endoctrinement à profusion de la population allemande, la maison d’Hitler est devenue une véritable attraction touristique. L’appareil de propagande a bien joué son rôle.

En effet, des trains spéciaux de touristes sont organisés pour Berchtesgaden ; les « pèlerins » patientent des heures entières, au bout de l’allée du chalet dans l’attente de voir et de saluer Hitler. Heinrich Hoffmann, le photographe officiel d’Hitler, a pris beaucoup de photos de ces scènes. Il aimait particulièrement saluer les enfants, qui venaient le visiter par milliers, signer des autographes, etc…

A plusieurs reprises il invita dans le chalet des membres du parti (la Ligue des Femmes, Jeunesses Hitlériennes) ou bien tout simplement le peuple. A titre d’exemple, la jeune Bernile Nienau, choisie pour manger un plat de fraises le jour de leur anniversaire commun avec Hitler…. La propagande toujours ! 

Comme on l’a vu, le Berghof est une véritable représentation de ce qu’Hitler voulait montrer de lui au monde et même à son peuple, dans l’optique de ne pas montrer sa haine raciale et antisémite qu’il défendait. 

Quartier Général d’Hitler

Véritable représentation de la propagande nazie, elle a représenté un lieu de pouvoir sans précédent. Quelles ont été les décisions prises entre ses murs ? Le Berghof fait partie d’un cercle de Quartiers Généraux partout en Europe, mais avec un statut particulier.

Désormais, avec la construction de la « Chancellerie du Petit Reich » non loin du Berghof en 1937 et de l’aéroport Reichenhall-Berchtesgaden comme deuxième siège du gouvernement, le Berghof devint un lieu central du pouvoir dans le Reich national-socialiste allemand.

Comme un QG oblige, il faut une salle imposante pour pouvoir accueillir des généraux de son armée. Hitler y a donc pensé. Le grand hall au plafond à caissons est la plus grande et la plus célèbre pièce du Berghof. Elle doit exprimer « l’harmonie des grandeurs » et, en conséquence, ses dimensions sont à couper le souffle : 12,70 mètres par 21. 

• Une grande table, des globes, et autres éléments utiles. 
• Installations derniers cris 
• Lignes directes de communication vers la Chancellerie à Berlin. 
• Escortes SS
• Accès proche au Fuhrersonderzug (Train spécial d’Hitler) 
• Districts 1, 2 et 3 de protection

La montagne de l’Obersalzberg fut percée d’innombrables tunnels et bunkers qui se rejoignaient les uns aux autres. On pouvait rejoindre les différentes habitations des dignitaires nazis par ces chemins. 

Evènements et décisions prises

Comme énoncé avant, le Berghof est l’endroit ou Hitler a le plus séjourné pendant et avant la guerre. Voici une liste non exhaustive des évènements importants du Berghof:

• Hitler passe le mois d’août 1939 au Berghof pour préparer le plan d’invasion de la Pologne en septembre, avec un discours poignant devant les commandants de la Wehrmacht. Le discours détaille, en particulier, l’invasion allemande imminente de la Pologne et une extermination planifiée des Polonais. Cela montre la connaissance d’Hitler de l’extermination et son intention de mener ce génocide de manière planifiée.
• Il semble que Hitler ait choisi le nom du plan d’attaque de l’Union soviétique, l’opération Barbarossa, parce qu’une légende disait que l’esprit du roi du Moyen-Âge habitait la vallée à Untersalzberg (la vallée). 
• La Bataille de France (1940)
• Le 12 février 1938, sous une pression massive, le chancelier autrichien Schuschnigg et le secrétaire d’État aux Affaires étrangères Guido Schmidt signent l’accord de Berchtesgaden.
• Le 15 septembre 1938, pendant la crise des Sudètes, le premier ministre britannique Chamberlain était au Berghof pour des négociations. Le 5 janvier 1939, Hitler rencontre le ministre polonais des Affaires étrangèress Józef Beck. Le 20 août 1939, il télégraphie à Staline et lui soumet le Pacte de non-agression
• Après la répression du soulèvement du ghetto de Varsovie , le 19 juin 1943, Himmler est venu à une réunion pour discuter de la conversion des ghettos en camps de concentration et l’assassinat des inaptes au travail fut décidé.

Destruction du Berghof

Le 14 juillet 1944, environ un mois après le débarquement allié en Normandie, Hitler quitte définitivement sans le savoir le Berghof et retourne au quartier général de Wolfsschanze, là où se sent le plus en sécurité, en citant : 

« Quand la guerre sera finie, je me chercherai une vallée bien tranquille et m’y bâtirai un chalet comme le premier »

Plus tard du côté du Berghof, l’ensemble des bâtiments est sérieusement endommagé par un bombardement de Lancaster de la Royal Air Force le 25 avril 1945. Dû à la force de l’agression, le Berghof fut partiellement détruit lors de ce raid. Le 4 mai, quatre jours après le suicide de Hitler, des SS qui battent en retraite mettent le feu au Berghof, selon les ordres du Fuhrer. Dès lors le bâtiment vu vidé et brûlé, puis pillé par la population environnante. Cependant, on y retrouva quand même une grande quantité d’œuvres d’art volées venant d’Europe et des produits de luxe. 

Finalité du petit chalet bavarois

Après des négociations fructueuses entre les Américains et l’État libre de Bavière, une partie de l’Obersalzberg, qui comprenait également la zone des ruines du Berghof, fut restituée à l’État libre de Bavière en 1951, à condition que les ruines du Berghof et la maison Göring a été rasée. Le 30 avril 1952, exactement sept ans après le suicide d’Hitler à Berlin, il fait exploser les ruines du Berghof.

La zone fut reboisée. A proximité, un golf puis un hôtel sont construits. Le lieu a été rasé afin que le lieu ne devienne pas un lieu de culte néo-nazi.

Après que les Américains ont remis l’Obersalzberg dans son intégralité à l’État libre de Bavière en 1996, la Bavière a commandé la construction d’une exposition permanente « Dokumentationzentrum Obersalzberg » qui fut construite en 1999. Encore ouverte aujourd’hui, cette exposition réunit toutes sortes d’informations sur la vie, les personnes en présence et l’utilisation de l’Obersalzberg durant et avant la Seconde Guerre Mondiale.